On croyait le dossier Exide endormi. Mais c’est sans compter la mobilisation des médias qui ont porté l’affaire jusqu’aux oreilles d’un universitaire américain. Cet intérêt international a permis un renforcement de l’engagement des élus auprès des riverains, avec de nouvelles campagnes de dépistage de pollution et du saturnisme.
L’article du Monde du 31 octobre 2023 avait fait grand bruit. Le papier insistait sur le fait que la mairie de Lille était génée aux entournures, partagée entre la défense de l’emploi (250 salariés chez le fabricant de batteries Exide basé à Faches-Thumesnil en métropole lilloise) et les inquiétudes en matière de risques sanitaires (un siècle de pollution des sols au plomb due à l’activité de l’entreprise). La réaction du cabinet du maire a d’ailleurs été immédiate le lendemain de la parution de l’article, listant toutes les actions menées depuis 2004.
Un spécialiste du plomb
Mais l’enquête était parvenue jusqu’à Alexander Van Geen, chimiste de l’environnement à l’université Columbia de New York. Il a travaillé sur le dossier de pollution au plomb liée à l’incendie de Notre-Dame et s’est ému de la situation similaire en métropole lilloise. Il a mis à disposition de l’association de riverains Après!59 des kits de prélèvements qu’il a élaborés. Ils permettent de tester simplement la teneur en plomb des sols, avec un résultat dans l’heure.
Résultats alarmants
L’association a réalisé en juin 2024 des tests dans la zone de la SUP (Servitude d’utilité publique, zone restreinte délimitée par l’État et contestée par les riverains, où les travaux de dépollution doivent être pris en charge par l’industriel.) Les résultats se sont avérés très alarmants.
Les 89 mesures ont montré que la pollution ne s’était pas arrêtée aux portes de la SUP, bien au contraire. Et à l’intérieur de la SUP, c’est moins pollué qu’à l’extérieur.
explique Laure Hervieu, secrétaire de l’association, avec des taux de 4574 mg de plomb par kilo de terre sèche, à quelques rues de la SUP. Alors qu’un terrain non pollué n’enregistre que 17 mg/kg, que l’ARS (Agence régionale de santé) n’intervient qu’à partir d’un seuil d’alerte de 300 mg/kg et que l’État n’intervient lui qu’à partir de 1000 mg/kg pour dépolluer les sols.
Engagement des mairies
A la suite de ces résultats, la Mairie de Lille s’est engagée lors du Conseil municipal du 11 octobre 2024 à demander à l’État d’élargir la SUP, d’abaisser le seuil de dépollution à 300mg/kg contre 1000 mg/kg aujourd’hui comme dans le dossier de Metaleurop, de systématiser les campagnes de dépistage du saturnisme par l’ARS des HDF auprès des enfants, adolescents et femmes enceintes. Par ailleurs, les mairies de Lille et Faches-Thumesnil s’engagent à soutenir l’association Après!59 et financer des analyses de sols en laboratoire. De son côté, l’État a précisé que sur les 600 parcelles de la SUP, 126 ont déjà été analysées. Trois d’entre elles ont un taux supérieur en plomb de 1000mg/kg et l’exploitant s’engager à changer la terre.
Mobilisation nationale
La sénatrice Anne Sourys, touchée par cette affaire, souhaite porter un projet de loi pour renforcer la lutte contre la présence de plomb dans l’environnement, en définissant par arrêté des ministres chargés de la santé et de la prévention des risques, une valeur repère de la contamination au plomb des environnements extérieurs, devant conduire à la recherche de cas de saturnisme. Elle a par ailleurs saisi la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement le 12/09/24 pour demander une enquête indépendante sur ce dossier.
Réunions publiques à venir
De son côté, le collectif de citoyens Après !59 va déposer plainte contre l’État, étant donné l’absence de réponse à la suite de son recours devant le tribunal administratif. Elle organisera également une réunion publique pour proposer aux riverains des kits afin de tester leur sols. Un concert de soutien sera proposé le 21 décembre prochain. Et l’ARS va relancer une campagne de dépistage du saturnisme, en s’appuyant sur les PMI, au printemps. En attendant, les angoisses sont vives chez les riverains comme le souligne Anne Delvigne, présidente de l’association et Laure Hervieu :
Il y a encore des personnes qui achètent des maisons dans cette SUP sans être informées de ce problème de pollution. Elles regrettent aujourd’hui leur achat. D’autres sont désabusées, déçues, angoissées pour leurs enfants.
Retrouvez l'intégralité de l'interview d'Après!59 dans le podcast du 1/11/24 de Commune Planète "Pollution industrielle Exide : un scientifique américain fait bouger les lignes".
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