Le 20 novembre 2024 dernier, les maires du littoral réclamaient en urgence au Congrès des maires, un Fonds national pour protéger leurs bords de mer. Face à la menace du recul du trait de côte, certains édiles se sentent désemparés de par les impasses administratives et le manque de moyens financiers, pour protéger au mieux leurs administrés. Illustration avec Stéphane Pinto maire d’Ambleteuse menacée par la mer et Arnaud Hequette, chercheur à l’Université du littoral Côte d’Opale, à l’occasion d’une émission spéciale Voix du Nord/RCF Hauts de France.
Plus de 60 % du parc à bateaux du club de voile a été emporté par les flots, certaines dunes sont abîmées par la mer, plus d’une dizaine de maisons sont menacées.
explique le maire d’Ambleteuse, village touristique de 2000 habitants, située entre Calais et Boulogne-sur-Mer, touchée par le recul du trait de côte. D’autres villes sont également concernées comme Wissant (300 m de recul du trait de côte), Oye-Plage, Tardinghen .... où des lotissements entiers sont menacés.
Retour au trait de côte du Moyen-Age
Depuis les années 2010, l’accélération du recul du trait de côté inquiète élus, scientifiques et citoyens de la région. L’effondrement d’une falaise en 2012 à Equihen-plage au sud de Boulogne-sur-Mer tirait la sonnette d’alarme : le phénomène s’amplifiait par rapport aux valeurs estimées à 100 ans dans le Plan de prévention des risques « Côtes à falaises » de 2007.
On est en train de revenir au trait de côte du Moyen-Age, du au changement climatique et à la hausse du niveau des océans depuis le XIXème siècle. Même si d’une côte à une autre, rien n’est pareil comme l’explique Arnaud Hequette, chercheur au laboratoire d’océanologie et de géosciences de l’université du littoral Côte d’Opale :
A certains endroits, le trait de côte est stable, voire il avance comme à l’est de Calais où il a avancé de 250 m depuis 1950, du à l’échouage d’un banc sableux et à l’urbanisation.
Une réalité nationale
En France, 20 % du territoire français est aujourd’hui concerné par cette réalité, soit 500 communes qui doivent protéger leurs habitants et gérer maintenant leurs déplacés climatiques quittant leurs habitations ou exploitations agricoles à cause de l’arrivée de la mer.
Les solutions pour tenter de gagner du temps passe souvent par un enrochement, une digue avec béton ou une renaturation. Pour Arnaud Hequette, ces pistes ne sont pas idéales et il est judicieux de les associer à du réensablement comme à Dunkerque : « Le sable permet d’amortir la houle. »
Freins à l’action
Mais faut-il encore en avoir les moyens et les autorisations administratives. En 2018, la compétence GEMAPI (Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) des communes a été transférée de droit aux EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale), soit les communautés de communes.
Or, dans le texte de la Gemapi, l’érosion maritime n’est pas prise en compte. La taxe Gemapi payée par les citoyens ne couvre que l’entretien des digues. Pour le reste, les Communautés de communes ne sont pas compétentes.
explique Stéphane Pinto. Personne ne semble donc vouloir prendre en charge la protection du trait de côte non endigué, où se trouvent notamment des maisons. Qui plus est, l’article 33 de la loi du 16/09/1807 impose aux propriétaires privés menacés par la mer d’assurer eux-mêmes la protection de leur bien.
Une situation ubuesque avec le sentiment chez certains citoyens d'Ambleteuse que la Communauté de communes de La terre des 2 caps essaye de minimiser ses responsabilités, et ce malgré la pression de la Chambre régionale des comptes qui la pousse à agir. Pour Hélène Boulet de l’association citoyenne de défense du trait de côte d’Ambleteuse :
Nous sommes inquiets face au recul du trait de côte. La Communauté de communes de la Terre des 2 caps n’utilise pas son budget pour nous protéger.
Stéphane Pinto se désole : « Aucune solution n’a été mise en place, on en est encore à étudier le phénomène au niveau de l’EPCI. » Un sentiment partagé par le maire de Wissant. D’où le désarroi de nombreux habitants du littoral qui se sentent abandonnés, de peur de perdre notamment leurs maisons.
Sources de financement
Et la question du financement n’est pas tranchée. Si rien n’est fait, le coût de l’inaction pour les seuls logements pour les villes françaises concernées par le recul du trait de côte est de 85 milliards d’euros (source Cerema). Au-delà d’un Fond national réclamé lors du dernier Congrès des maires, d‘autres pistes existent : taxe touristique, fonds européens, droits de mutation ou écotaxe pour les voitures. Pour Stéphane Pinto, dans le Nord-Pas-de-Calais, il faut aussi avoir une vision collective, pour gérer au mieux ce problème de Dunkerque à Boulogne.
En attendant le déblocage de fonds et la mise en route du Plan d'adaptation du gouvernement, les chercheurs de l’université du littoral travaillent aujourd’hui sur l’évolution du trait de côte à 50 ans, avec le projet Cosaco : une cartographie accessible à tous, montrant l’évolution du bord de mer, avec des solutions à la clé.
Pour en savoir plus
Retrouvez le débat Voix du Nord / RCF Hauts de France avec Stéphane Pinto maire d’Ambleteuse et Arnaud Hequette, chercheur à l’Université du Littoral, dans l’émission Commune Planète Hauts de France « Le littoral du Nord-Pas-de-Calais face au défi du recul du trait de côte » en podcast et sur You Tube, animé par Raphaëlle Remande de la Voix du Nord et Anne Henry de RCF Hauts de France.
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