"ô, tout cela, c'est trop compliqué pour moi ..."
Combien de fois avons-nous entendu cette expression ? Est-ce la façon dont on nous a présenté les choses, qui nous a fait baisser les bras ?
Et si les autres pouvaient nous aider ? Conférences, formations en ligne, émissions de radio... Les propositions ne manquent pas mais c'est d'abord un état d'esprit.
C’est trop compliqué pour moi ?
Quand on entend ou qu’on lit des auteurs, des savants, des journalistes, des conférenciers, on se dit parfois “c’est trop compliqué pour moi”.
Oui, et parfois c’est vrai, au sens où il est difficile d’aborder certains sujets si on n’a pas le bagage nécessaire. Par exemple, il est difficile de bien appréhender la physique quantique sans le bagage mathématique correspondant, voire les astuces comme les Bra et les Kets. Ou ne pas connaître les dérivées ou les logarithmes empêche de faire la plupart des calculs de la physique.
Cependant, on peut , si on est intéressé par un sujet, prendre le temps de le travailler.
Le monde est d’ailleurs plein d’autodidactes. Konstantin Tsiolkovski a laissé une formule bien utile pour l'aérospatial, il a tout appris par lui même sur le sujet, en associant science et imaginaire, sorte de Jules Verne qui aurait fait des calculs quand sa tâche d’instituteur au fin fond de l’immensité russe lui en donnait le loisir.
Oui, mais ces autodidactes ont souvent un esprit plus rapide et plus pénétrant que les nôtres, …
… certes, mais il nous semble que là n’est pas la question.
Comme dans le désert de Tobrouk, "un intellectuel assis va moins loin qu'on con qui marche..."
Ben voilà, l'auditeur de RCF en Berry s’attend à entendre parler de l’Evangile, et on lui cite Michel Audiard…
Bon, alors je me rattrape : “Cherchez, et vous trouverez”. Donc : Travaillez, lisez, écrivez, dessinez, priez, discutez, il en restera toujours quelque chose.
“Frappez, et l’on vous ouvrira…” assure encore le Christ dans l’Evangile
Cela demande de l’investissement en temps et en énergie, certes, mais la matière est disponible à tous.
Les bibliothèques, par exemple la médiathèque de Bourges ou la bibliothèque diocésaine, offrent de nombreux ouvrages, plus ou moins accessibles, que l’on peut emprunter, rendre, sans risque. Sur internet, ses cours en ligne, ses sites, ses videos de conférence, des radios, les chaînes de télévision, on peut trouver de quoi nous aider à réfléchir, à condition de trier un peu .
Les conférences auxquelles on peut se rendre, les événements proposés ici ou là (y compris), les cours du soir nous permettent une interaction avec des maîtres, ou simplement avec ceux qui ont “quelques leçons d’avance”. Il est même possible de “reprendre des études”, ou en tout cas de suivre des formations en ligne, “MOOC” de tous genres, souvent gratuits.
C’est vrai, et on en profite de plus en plus, pas seulement pour chercher une recette de cuisine ou comment changer une ampoule sur sa voiture …
Dans bien des cas, travailler à plusieurs personnes motivées est vraiment une bonne méthode, même pour des adultes. C’est ce qu’essaie de faire le groupe berrichon “Science Défense et Foi” depuis 2004, chacun à son rythme. Allez voir nos pages sur le site web du diocèse ou nos articles "économie et société" sur le site de RCF…
Évidemment, il faut du temps, confronter les idées entre elles et avec nos expériences, échanger avec ceux que Dieu met sur notre route, tous les jours ou à l’occasion d’un voyage, ou autour d’un verre …
C’est vrai, Dieu seul voit les traits de génie griffonnés sur la nappe en papier d’un restaurant, ou sourit des réflexions sérieuses entre amis autour d’une bière…
Il faut surtout un état d’esprit d'humilité, d’effort, de recherche de la vérité, d’ouverture d’esprit, choisir de tatonner, de se (faire) corriger, de “ne pas se contenter de la possession tranquille de vérités toutes faites” (qui n’ont sont donc pas vraiment). Comme disait Charles Péguy, “Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée, c'est d'avoir une pensée toute faite.” Dans une de ses lettres écrites pendant son séjour à Bourges, la philosophe Simone Weil “tacle” quelqu’un de très intelligent qui selon elle manque de cet état d’esprit.
“J'ai rencontré ici un ingénieur, polytechnicien, dont les idées sur les rapports de la science et de la technique et sur la pédagogie et la vulgarisation scientifiques coïncident avec les miennes dans une mesure étonnante. Il est jeune (33 ans), a beaucoup de loisirs, et possède tout ce qui me manque : un merveilleux équilibre physique, beaucoup de rapidité et de brillant dans l'intelligence (à ce qu’il m'a semblé) et de la pratique. Mais il est paresseux et toutes sortes de plaisirs occupent tous ses loisirs. Je crains qu'il n'y ait rien à en espérer. En tout cas cette rencontre a été pour moi une précieuse confirmation.” [Extrait d’une lettre de Simone Weil à Boris Souvarine, Bourges, janvier 1936]
Evidemment!, ben… en voilà un qui est rhabillé pour l’hiver … On sait qu’elle était plus dure pour elle même que pour les autres, mais quand même c’est un peu décourageant …
Oui, mais heureusement, la même Simone écrit “Après des mois de ténèbres intérieures j'ai eu soudain et pour toujours la certitude que n'importe quel être humain, même si ses facultés naturelles sont presque nulles, pénètre dans ce royaume de la vérité réservée au génie, si seulement il désire la vérité et fait perpétuellement un effort d'attention pour l'atteindre.” Nous voilà rassurés et presque grisés…
En tout cas, si on ne comprend pas tout, cela n’a pas d’importance. Si on a l’impression de ne quasiment rien comprendre, ce n’est pas forcément dramatique.
On passe d’un extrême à l’autre, là… C’est votre expérience, dans le groupe Science Défense et Foi ?
La compréhension du réel, le mécanisme de l’intelligence et de la connaissance doivent en effet beaucoup à la sédimentation. Le blé de nos compréhensions met longtemps à germer, y compris quand nous dormons ou allons nous promener avec des amis.
Rassurons-nous, c’est normal. Lors d’une semaine d’école thématique du CNRS, dans un village de vacances privatisé pour l’occasion, les orateurs se succédaient pour aborder (en français) les différents aspects du thème traité cette semaine là devant une centaine de chercheurs et d’ingénieurs. Il était surprenant de constater combien le chercheur qui avait détaillé avec brio un sujet de chimie dont il était spécialiste, peinait une heure plus tard, comme un étudiant sérieux mais un peu largué qui finit par poser des questions un peu gênées au spécialiste de physique de l’exposé suivant…
Certaines conditions semblent plus propices que d’autres à la réflexion personnelle ou collective, vous avez parlé d’aller se promener entre amis, on pense aux Péripatéticiens, à la remarque de Montaigne “mes pensées se rendorment lorsque je les assieds”…
Oui, on peut insister aussi sur l’importance de la marche, solitaire ou à quelques-uns. On ne peut que deviner la fécondité scientifique et humaine des promenades quotidiennes entre Einstein et Gödel dans le parc de Princeton à l’institut des études avancées américain. On rêve aux discussions entre Gaspard, Melchior et Balthazar suivant l’étoile qu’ils ont vu se lever … ou “revenant par un autre chemin” de Bethléem où ils ont adoré l’Enfant-Jésus.
Le récit des pèlerins d’Emmaüs nous en dit à peine plus sur les explications données par Jésus à partir des Ecritures sur la première Semaine Sainte ; le résultat pour ces deux disciples d’avoir marché avec le Christ ressuscité est pourtant bien décrit dans l’Evangile.
Bref, ce n’est sans doute pas si compliqué que cela de réfléchir aux questions qui se posent à nous dans ce monde complexe où nous vivons…
Oui, et de toute façon, le Saint-Esprit de Dieu, qui “comme le vent, souffle où il veut”, saura bien, le Christ nous l’a promis, nous conduire à la Vérité toute entière…
Bon, nous continuerons cette marche, dans la lumière de Noël, dans une prochaine chronique…
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