Châlons-en-Champagne
Il est de plus en plus difficile de recruter dans les métiers dits "de l’humain". Le rapport Piveteau du 17 février 2022 fait état d’un taux de démissions qui ne cesse d’augmenter, d’un grand nombre d’abandons pendant la formation et donc de postes vacants. Pourtant, les métiers du social sont essentiels au bon fonctionnement de la société, de nombreuses personnes en dépendent. Il devient urgent de rendre plus attractifs ces métiers, notamment en réévaluant la rémunération et en refondant la formation.
Avec Daniel Goldberg, président de l'Uniopss, Charlotte Chabernaud, responsable du recrutement pour Apprentis d'Auteuil en Île-de-France et Daniel Verba, sociologue Maître de conférences Université Sorbonne Paris Nord - Emérite.
Les défis à relever pour résoudre la crise des métiers du social sont nombreux mais pas insurmontables. Ces professions sont souvent des métiers "passion" qui demandent à être consolidés, à recevoir davantage de moyens et à bénéficier d’une plus grande reconnaissance. Les travailleurs sociaux jouent ainsi un rôle majeur en ce qu'ils accompagnent bon nombre de personnes à la place de leur entourage et portent ainsi un poids important.
La situation de tension dans laquelle se trouve le domaine du social est due en partie au manque de personnel. "Quand on poste une annonce, on a très peu de candidatures, moins de dix", déplore Charlotte Chabernaud, responsable du recrutement pour la Fondation Apprentis d’Auteuil en Île-de-France. Cela s’explique notamment par le fort taux d’abandon en cours de formation, qui s'élevait par exemple à 10 % chez les étudiants infirmiers en 2021, et une taux de réussite général à toutes les études de santé s'élevant à moins de 16 %. "Il faut être doté d’une certaine prédisposition, ces métiers sont des vocations", estime Daniel Verba, sociologue et maître de conférences émérite. Entrent aussi en jeu une sous-qualification des postulants et une grande concurrence, qui mènent au développement de l’intérimaire. "La crise sanitaire n’a pas aidé", ajoute Charlotte Chabernaud.
C’est aussi toute l’économie du secteur social qui va mal, et ce, tant au niveau de la rémunération que du budget global. "Ce n’est pas que de la responsabilité des employeurs, mais aussi de l’État", selon Daniel Goldberg, président de l'UNIOPSS. En effet, l’État fixe les grilles tarifaires et établit les prix de journée. La réévaluation de la rémunération est un véritable enjeu qui peut jouer sur l’attrait des métiers de l’humain. Les associations représentées par l'UNIOPSS sont souvent considérées comme "des sous-traitants" et "on se retrouve avec des salariés pauvres qui s’occupent de personnes pauvres dans bien des cas", confie Daniel Goldberg.
La désaffection de ces professions est aussi due au fait qu’elles soient en contrariété avec la construction actuelle du travail. "Les métiers du social sont à contre-courant de ce qui se produit aujourd’hui dans l’ensemble des professions", considère Daniel Verba. Il y a en effet une refonte de la vision du travail ces dernières années, accélérée par la crise sanitaire. La tendance est au bien-être professionnel, au télétravail, à la fin du travail alimentaire. Ces éléments jouent sur l’attrait du secteur social qui ne répond pas aux attentes modernes des travailleurs.
Le rapport Piveteau de 2022 fixe des objectifs à court, moyen et long termes. Celui-ci évoque des "transformations profondes" ainsi qu’un "bouleversement sociétal". Notamment, sont proposés une transformation inclusive du cadre de vie collectif et des organisations de travail, un renforcement des habiletés professionnelles et de nouvelles règles d'allocation des ressources. Ces pistes sont encore en développement mais les choses avancent.
Plus concrètement, Daniel Goldberg demande une meilleure effectivité des droits à l’accompagnement : "la période que nous vivons a montré que nous sommes tous vulnérables à un moment ou un autre de notre vie. Il faut penser ce droit à l’accompagnement comme un vrai enjeu de société". Par ailleurs, le système de recrutement du social est déjà en train d’évoluer. "Les ressources humaines sont obligées de changer", indique Charlotte Chabernaud qui se dit forcée d’avoir "une démarche proactive" et d’aller "chercher les personnes dans le réseau".
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