Le rapport Meadows est sorti le 1er octobre 1972. Il a été publié en France sous le titre "Halte à la croissance ?". C’est un document commandé par le Club de Rome à des scientifiques américains du MIT, qui interroge la soutenabilité de notre modèle économique. Ce rapport, à la tonalité catastrophiste, a constitué un véritable tournant dans la prise de conscience des limites de notre planète. Il fête aujourd'hui ses 50 ans.
Ce rapport est rédigé pendant les trente-glorieuses, cette période qui voit apparaitre la consommation de masse, généralement pour le plus grand bonheur des ménages. En s’appuyant sur l’une des toutes premières simulations informatiques, les scientifiques trouvent que si l’on prolonge les tendances, alors les ressources disponibles auront tellement diminué, et la pollution tellement augmentée, que notre niveau de vie devrait s’effondrer avant la fin du 21ème siècle. Ce résultat est un choc. La perspective a beau être très lointaine, la méthode est convaincante et le message marque les esprits.
C’est surprenant avec le recul mais oui, les dirigeants d’alors se sont approprié cette question, avec sans doute plus de liberté qu’on ne le pourrait aujourd’hui. Par exemple Sicco Mansholt, vice-président de la commission européenne, propose en 1972 un plan visant à réduire la consommation des européens pour mieux respecter l’environnement. Qui aurait le courage de faire cela aujourd’hui?
Mais cette réflexion écologique a très vite pris fin, avec le choc pétrolier de 1973 et la montée du chômage qui a suivi. La croissance apparait alors comme la solution pour faire disparaitre le chômage. On sait désormais que cela n’a rien d’évident : il y a des périodes où la croissance ne crée pas d’emploi.
On a reproché à ce rapport de ne s'adresser qu'aux riches. C’est notamment une critique qui sera formulée par le président Giscard d’Estaing. Cet argument est toujours mobilisé aujourd’hui à l’encontre de la décroissance. Et l’on peut tout à fait comprendre que la décroissance soit inaudible pour une personne qui a du mal à boucler les fins de mois. Pourtant, en France, les ménages pauvres d’aujourd’hui ont un pouvoir d’achat plus élevé que les ménages aux revenus moyens dans les années 1960. Et cela n’enlève rien à leurs difficultés.
Ce que je veux dire par là, c’est que la pauvreté est une perception relative. La question n’est pas combien de biens est-ce que l’on consomme, mais est-ce que l’on consomme plus ou moins que ce qui est considéré comme normal pour faire partie de la société, pour se sentir reconnu par la société.
Dans un pays comme le nôtre, la pauvreté ne se règle pas avec des politiques de croissance mais avec des politiques de lutte contre les inégalités. Pour améliorer le ressenti d’une personne en difficulté, il ne s’agit pas tant qu’elle puisse s’offrir toujours plus de biens, que de limiter l’écart entre son revenu et le revenu moyen. C’est une idée fondamentale mais que l’on peine encore aujourd’hui à faire passer dans le débat politique. Pourtant, comme la crise des Gilets Jaunes nous l’a montré, la transition écologique ne se fera pas sans justice sociale.
Chaque vendredi à 7h20 dans la matinale, Vincent de Féligonde, chef du service économique et social de La Croix, et Marc Pourroy, économiste et maître de conférences à l'Université de Poitiers, livrent leur analyse sur l'économie en France et dans le monde.
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