Apprendre à manier une tronçonneuse, travailler le métal, manœuvrer un tracteur… Des formations proposées par le groupement des agricultrices et agriculteurs bio du Finistère, le GAB 29. Avec une spécificité, cela se passe entre femmes uniquement. Reportage à Trébabu (29) à la ferme de Kerzouar chez Mathilde, pépiniériste qui a pu suivre deux de ces formations.
Il faut longer la maison familiale en pierres quelques mètres, accélérer le pas pour se protéger de la pluie, et nous y sommes. "200 mètres carrés de serres qui résistent à la tempête", sourit Mathilde, sa voix presque couverte par le grondement des gouttes de pluie qui tambourinent sur les murs plastifiés. Ses yeux pétillent derrière ses lunettes cerclés de métal, alors qu'elle déambule entre les pots et les boutures, désignant là des pastèques, là des feuilles de menthe, ou encore les nombreux plants de tomates, "le plus gros de la vente." Cela fait trois ans que Mathilde a créé "Ti Plants", mettant derrière elle des études d'architecture et des journées trop longues passées derrière un écran d'ordinateur. "J'ai rencontré une pépiniériste et ça m'a vraiment donné envie". L'envie de créer ses propres plants, son royaume vert, "de bric et de broc", s'amuse Mathilde. Elle dévoile les tables plastifiées où s'alignent ses plantations, des palettes qu'elle a bricolées elle-même, et se souvient en riant de ses débuts, où elle arrosait ses plants avec un simple arrosoir.
Comme beaucoup de jeunes qui se lancent en production agricole, Mathilde cherche à se former, partager son expérience. Elle intègre un groupe Facebook d'agricultrices bretonnes, et entend parler de formations en non mixité via notamment le catalogue du GAB 29 et du CIVAM (Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural). "J'ai participé à deux formations, la première c'était le travail du métal, avec utilisation de poste à souder, perçage, tronçonnage et la deuxième que j'ai faite c'était utilisation de la tronçonneuse", liste Mathilde.
Il n'y a pas d'enjeu de vouloir s'imposer ou pas, on est entre femmes, même si évidemment il y a des caractères qui s'imposent plus que d'autres. C'est aussi un moment où on peut partager nos vécus (...)
Des formations conduites par des agricultrices, entre femmes, un environnement plus bienveillant, nous explique la pépiniériste. "Je me sens vraiment mieux dans ce contexte là. Il n'y a pas d'enjeu de vouloir s'imposer ou pas, on est entre femmes, même si évidemment il y a des caractères qui s'imposent plus que d'autres. C'est aussi un moment où on peut partager nos vécus, parce que par fois on vit les mêmes choses", se réjouit Mathilde.
Il y a aussi, cette force, un élan qui vient du collectif. "Ça donne aussi beaucoup d'empouvoirement. Quand on voit la formation tronçonneuse on était un gang de meufs avec des tronçonneuses dans un champ, c'était mythique", se souvient la pépiniériste dans un éclat de rire. "Moi je suis issue de la ville, et quand on est petite on est pas habituée à monter sur des tracteurs, et c'est chouette de se le réapproprier entre femmes", ajoute-t-elle.
En retournant suivre une formation sur les haies et la biodiversité, mixte celle-ci, Mathilde a ressenti la différence. "Il y avait des hommes qui racontaient un peu leurs problèmes personnels et leur vie, en coupant la parole. J'avais envie de leur dire, "Si tout le monde fait ça on s'en sort pas !" Après c'est peut être également des caractères différents, mais j'ai jamais ressenti ça dans des formations non-mixtes", affirme-t-elle. Pour l'instant Mathilde produit des légumes, fleurs et aromates pour les particuliers, qu'elle vend sur quatre marchés, du Conquet à Ploumoguer.
Elle se voit déjà suivre d'autres formations comme celles que proposent le Gab 29, dans l'idée de voir plus grand pour sa production.
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