L'été offre enfin ses beaux jours et nombreux sont les jeunes à travers le monde à partir en camp scout. Derrière la caricature du "boy scout", il y a dans le scoutisme la volonté de former des jeunes responsables, libres et fraternels.
Qu’est ce qui relie Agnès Varda à Simone Veil et à Claire Chazal ? Toutes ont été guides ! Le scoutisme a le pouvoir de marquer une vie, voire de la bouleverser. Yves Combeau est dominicain et aumônier scout à Paris. Historien de formation, il a suivi tout le "parcours" scout et s’intéresse à l’histoire de ces mouvements aux origines diverses et aux nombreux visages.
Né en 1857, Baden-Powell est un militaire britannique, fils de pasteur. Il prend part aux conflits coloniaux, notamment en Afrique du Sud pendant la Guerre des Boers, qui oppose les colons Anglais aux Néerlandais. "C’est une guerre très dure. Baden-Powell a l’idée de mobiliser les jeunes pour en faire des éclaireurs - littéralement "scouts" en anglais - et les envoyer en mission de reconnaissance et de décryptage de message", explique Yves Combeau. À son retour au Royaume-Uni, Baden-Powell a l’idée de reproduire cette expérience à la jeunesse de son pays, dans une logique pacifique cette fois.
En 1907, Baden-Powell propose donc à une vingtaine de jeunes garçons de partir camper sur l’île de Brownsea. "Il veut que ce soit un camp éducatif, sans aucune allusion militaire, ou tout passe par le jeu". Après ces quelques jours campés, Baden-Powell écrit un livre qui rencontre un vif succès en Europe. Il y fait la promotion des idées d’éducation par le jeu, d’indépendance, de confiance en soi et de vie dans la nature. "Dès sa naissance, le scoutisme veut prendre les garçons comme ils sont", explique Yves Combeau. En faisant vivre les jeunes pendant un temps limité dans un non-lieu, à la marge de la civilisation, Baden-Powell espère leur inculquer des valeurs de fraternité et de débrouillardise, en mélangeant des garçons de différentes origines sociales.
"Tout se diffuse très vite et tient ses promesses. Ce succès foudroyant est stupéfiant", note l'intervenant, qui ajoute qu’en moins de cinq ans, presque tous les pays d’Europe ont des mouvements scouts. "C’est aussi une période où l'Europe est en quête de renouveau sur les valeurs d’éducation", précise Yves Combeau. Le scoutisme pour les garçons rencontre toutefois des oppositions : certains redoutent une éducation indisciplinée, d’autres pensent que l’on transforme les transforme en sauvages… Sans pour autant freiner l’engouement : en 1920 a lieu le premier Jamboree qui rassemble les scouts du monde entier. "On y compte 10 000 participants de 21 pays différents", souligne Yves Combeau, qui rappelle que le Jamboree permet aussi de pacifier la jeunesse au lendemain de la Première Guerre mondiale.
Dès 1909 en France, des unités scoutes se créent. "Ce sont des initiatives isolées mises en place soit par des éducateurs de métier, soit par des animateurs de patronage", explique Yves Combeau. Parmi les instigateurs du scoutisme en France, il y a des noms comme André Chéradame, George Bertier ou Pierre de Coubertin. Tous veulent, comme Baden-Powell, proposer des méthodes d’éducation complémentaires.
"La spécificité française du scoutisme est que ce sont surtout les bonnes familles qui s’y engagent". Si le scoutisme de Baden-Powell s’adresse d'abord à la "middle-class", il séduit majoritairement en France la grande bourgeoisie et le milieux universitaires. "Les premiers mouvements scouts naissent dans des paroisses aisées du 16e arrondissement parisien", justifie Yves Combeau.
En France, dans les années 1910, les parents catholiques ne veulent pas d’une association interconfessionnelle où leurs jeunes pourraient se retrouver sous la direction de non catholiques. Idem chez les Protestants. Très vite, des mouvements différents sont créés. Aujourd’hui, il existe en France des mouvements israélites, laïcs, unionistes… Les méthodes sont différentes pour chaque confession. Plus tard, les années 1970 marquent un bouleversement pour la société et pour le scoutisme : "ce sont les années les plus rock and roll du scoutisme !". La méthode scoute, vieille de plus de 40 ans, est remise en question : on choisit alors de séparer les adolescents des pré-adolescents ou de supprimer la hiérarchie entre les jeunes. C’est là aussi que les Scouts d’Europe et les SUF prennent leurs distances par rapport aux Scouts de France et réaffirment leur appartenance au mouvement catholique. "La place de la foi au sein de ces mouvements est un des changements les plus notables", explique Yves Combeau. Plus tard, dans les années 2000, les Scouts et Guides de France fusionnent et proposent des unités mixtes.
Pour la plupart des personnes qui ont été scoutes, leurs années de scoutisme ont été "une école de la vie". Dès le début, Baden-Powell "prend la personne dans toute son humanité et cherche son épanouissement". Par un "détour ludique inattendu", le scoutisme veut rendre le jeune plus serviable et plus maître de soi.
Et pour que la fraternité, l’entraide et la joie l’emportent, Baden-Powell a des idées : "avec l’uniforme, il élimine les rivalités. Avec une hiérarchie minimale mais naturelle, il se débarrasse des concours de coqs. En organisant des activités physiques, il développe les corps et la fierté virile", énumère Yves Combeau. La promesse scoute ou la loi scoute font du jeune un citoyen à part entière : "le scout n’a qu’une parole, il est loyal, se rend utile, aide son prochain, est bon pour les animaux". D’ailleurs, les scouts sont "sur-représentés" dans le monde politique français.
"Si le scoutisme marque, c’est pour son caractère fondamentalement naturel qui vous prend aux tripes". Et de constater que "le scoutisme se porte encore très bien malgré ce qu'on appelle parfois la génération geek". De nouvelles unités se créent, les listes d’attentes s'allongent et les groupes sont en recherche permanente de chefs... L'histoire continue de s'écrire.
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