Le troc s’impose avec succès face au constat des crises sociale, environnementale et économique que traversent nos sociétés. Ce système d’échange évince l’argent et valorise les compétences et biens de chacun. Le troc présente de nombreux avantages, et est facilité par des plateformes qui créent et permettent les liens.
En 2015, Floriane Addad est chanteuse. Elle pratique le troc avec ses collègues musiciens, en échangeant par exemple des partitions contre un cours de musique. "J’ai réalisé qu’on pouvait tout troquer, et je me suis lancée dans l’aventure." L’aventure, pour elle, c’est MyTroc. Elle devient fondatrice et présidente de cette plateforme d’échanges qui permet de consommer d’une manière plus responsable et solidaire. L’idée est simple : la monnaie est la noisette, on échange des biens et des services. MyTroc compte aujourd’hui plus de 340.000 utilisateurs dans toute la France, plus de six millions de noisettes circulent. La volonté de Floriane Addad était de "construire quelque chose. Je voulais faire ma part en offrant un système pour pouvoir consommer de manière beaucoup plus libre".
Mireille Desplats est présidente de Troc Savoirs. Cette association basée à Strasbourg s’impose comme un "mouvement d’éducation populaire" : ceux qui souhaitent apprendre et transmettre s’y inscrivent et échangent des compétences, le plus souvent en présentiel. Un cours de piano contre un cours de cuisine, un cours de bricolage contre un cours d’anglais font partie des échanges que l'on voit à Troc Savoirs. L’idée n’est pas d’apprendre de mais d’apprendre avec. Ces échanges basés sur la réciprocité se font dans une ambiance conviviale et pédagogue.
Les SEL se basent eux aussi sur ce fonctionnement. Ces Systèmes d'Échanges Locaux sont basés dans les communes et mettent au cœur de leur fonctionnement le troc, la gratuité et la rencontre. Robert Dalverny est trésorier du SEL Marseille. "On compte entre 400 et 500 SEL en France. Ça a démarré en Ardèche." Tout repose sur ces petits coups de pouce du quotidien qui permettent aux personnes âgées d’avoir de l’aide, aux étudiants d’accéder aux bons plans, et à tous de se rencontrer. Le réseau fonctionne grâce à un système d’unités, "généralement une unité équivaut à une minute", explique Robert Dalverny. "Chez nous, on appelle ça l’olivette."
Le troc veut remettre sur la place publique le lien social. Mireille Desplats explique "se retrouver entre humains, quels que soient nos diplômes ou notre langue". Ils veulent donner accès au savoir de tous, pour tous et par tous. La présidente de l’association estime que l’accès aux formations dans notre société est très contraignant et trop structuré. À Troc Savoirs, "les savoirs font partie du bien commun". Il suffit d’arriver avec l’envie d’apprendre, de vouloir vivre des expériences ludiques et adaptées au niveau de chacun. Les troqueurs se sentent utiles, "c’est bon pour la confiance". Si Troc Savoirs est basé dans le Grand Est, des réseaux d’échanges similaires existent dans toute la France, sous des noms différents. Mireille Desplats rappelle que "ce n’est pas si facile d’échanger en famille ou entre amis, on a parfois moins de patience".
Les trois intervenants soulignent la richesse qui émane de ces rencontres. Robert Dalverny valorise cette "façon de trouver des gens qui permet des rencontres qui n’auraient pas eu lieu dans d’autres circonstances". Floriane Addad met en lumière ces "alternatives nécessaires pour vivre en bienveillance et en harmonie". Elles sont valorisantes pour les personnes qui n’ont pas de moyens. Le troc donne lieu à des rencontres conviviales, à l’organisation de repas partagés ou de BLE (bourse locale d’échanges), sortes de vide-greniers.
Le troc fédère et rassemble, et semble présenter peu de limites. La fondatrice de MyTroc a une devise : "tout peut se troquer, à vous d’imaginer !" Tant que les biens troqués sont légaux et ne concernent pas l’immobilier. Le troc permet de se débarrasser d’objets que l’on n’utilise plus au profit de ceux dont on a besoin. Pour Robert Dalverny, les SEL s’imposent contre un système qui nous pousse à consommer des objets qui ne nous servent plus.
De plus en plus de jeunes rejoignent les plateformes de trocs et s’identifient à ces modes d’échanges alternatifs. Des plateformes les regroupent tous : Selidaire, Intersel, Foresco. Si Internet a été très utilisé pendant les différents confinements, ça a été plus compliqué pour le troc. Au SEL Marseille, le confinement a “cassé l’élan”. Robert Dalverny espère voir le SEL Marseille se redynamiser suite à la récente fusion des deux SEL de la commune.
MyTroc a lancé depuis 2018 MyTrocPro. "On a dupliqué notre modèle pour permettre aux entreprises de modifier leur impact." Beaucoup de matériel est jeté dans les entreprises. MyTrocPro vient créer du lien à une autre échelle, permettant des échanges : des chaises contre une imprimante, des lampes contre une machine à café. "Ça permet de mutualiser. Les salariés s’inscrivent et déposent leurs annonces sur la plateforme." L’avantage est aussi de sensibiliser l’ensemble des salariés à une consommation responsable.
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