Benoist de Sinety nous interpelle en partageant le récit d'Ibrahim, jeune bengali arrivé en France il y a dix ans. Malgré son investissement scolaire, son visa est refusé. Par cette histoire banale, le père Sinety pose la question de la fraternité à quelques jours de la venue du pape à Marseille à l'occasion des Rencontres méditerranéennes.
Il s’appelle Ibrahim, c’est un garçon formidable. Arrivé en France à 16 ans, il y a passé le bac. A l’époque il avait pris spécialité « architecture ». Il aurait pu en prendre une autre : quel élève de Terminale pourrait imaginer que le choix qu’il pose pour son bac le liera jusqu’à la fin de ses jours ?
Il travaille pour gagner sa vie comme magasinier dans un supermarché de quartier tout en continuant ses études. Impossible d’atteindre la licence : il faut qu’il trouve un vrai salaire et n’a pas assez de temps pour tout mener de front. Son employeur, très heureux de lui, propose de le salarier à plein temps. Pour ce genre d’emploi on ne se bat pas et trouver un gars qui bosse, qui est sympa et qui en plus parle un excellent français, c’est une aubaine.
Ibrahim demande du coup un visa de travail, ce qui annule automatiquement son visa d’étudiant. Et patatras, voici la réponse du Ministère de l’Intérieur que nous pouvons méditer tant l’argumentation est implacable : « le visa est refusé car la demande d’emploi n’est pas en adéquation avec les diplômes acquis en France ». En bref, un bachelier qui a pris la spécialité architecture, ne peut prétendre exercer la profession de magasinier !
On espère que la lettre est rédigée par un ordinateur qui fonctionne par algorithmes binaires, car on aurait alors un espoir que les choses puissent changer lorsque l’on arrêtera de déléguer aux machines de décider à notre place.
Il n’est pas le seul, ce jeune homme venu du Bengladesh il y a maintenant dix ans, à se retrouver dans une impasse administrative totale. Plus de visa, des recours obscurs qui ne lui donnent aucune réponse, plus de revenu... En tout cas il démontre bien que la thèse de ceux qui prétendent que des « hordes venues d’ailleurs arrivent chez nous avec en tête toutes les procédures pour obtenir un maximum d’argent » ne se vérifie pas toujours !
Ils sont des dizaines, des centaines de milliers à subir ce mépris administratif et politique et à ne devenir rien dans un pays qui a tout.
La venue du Pape à Marseille les 22 et 23 septembre prochains est justifiée par son souci de ces plus pauvres précisément. Il sait combien notre pays a décidé de ne rien faire pour régler ces questions humaines terribles qui sont aussi immenses. Nos responsables s’en remettent à l’Europe, aux ONG – par ailleurs pointées du doigt à tort et à travers – ou à des États tiers qui n’ont pas peur de se salir les mains.
On peut repousser l’examen de la loi sur la fin de vie à après la visite de François : c’est déjà un singulier signe de mépris d’imaginer qu’ainsi il ne verra rien. Mais nul ne pourra cacher dans les rues de Marseille les visages de ceux qui seront au centre de son attention parce qu’ils sont au cœur du cœur de Dieu. Les plus pauvres d’entre nous qui, par le simple fait de vivre et d’être là nous interrogent sans pour autant nous accuser : « où est ton frère ? ».
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