Notre époque est très marquée je trouve par une perte du « sens des mots ». George Orwell l’avait parfaitement compris. Dans son roman 1984 il invente une langue fictive : la "Novlangue". C’est extrêmement intéressant et nous sommes en plein dedans.
Le principe est simple : plus on diminue le nombre de mots et plus on diminue les concepts avec lesquels nous pouvons réfléchir. Eliminer les finesses du langage, c’est réduire la capacité à raisonner, qui finit par ne reposer plus que sur l’émotion.
La manipulation par le langage repose aussi sur l’invention de "mots-trompeurs". Et de ce qui engendre "la double pensée". Cette étonnante capacité de garder à l'esprit simultanément deux croyances totalement contradictoires et de les accepter toutes deux. Dans son roman, les habitants sont manipulés en permanence par des slogans assenés qui déclenchent cette double pensée. Par exemple : la guerre c'est la paix. L'ignorance c'est la force.
Nombre de nos politiques manient la novlangue avec dextérité. Récemment plusieurs journaux ont épinglé Anne Hidalgo, véritable championne de l’exercice. Par exemple, sur Paris qui devient de plus en plus sale, elle défend : une "dynamique naturelle à la salissure" ou encore "la perception de la propreté à Paris se fonde en négatif sur des constats relatifs à la malpropreté". L’augmentation d’une taxe devient une "modernisation tarifaire". Elle ne dit pas sans-abri mais "personne en situation de rue"…
Un domaine particulièrement victime de la novlangue est celui de la bioéthique. On dira d’une personne célibataire, qui ne peut donc avoir d’enfant, qu’elle souffre "d’infertilité sociale". L’euthanasie, le fait de donner la mort par action ou omission de soin devient "un droit à mourir dans la dignité" et donner la mort devient une "aide active à mourir".
Utiliser des mots incompréhensibles est aussi un moyen de manipuler les concepts. Par exemple, on ne dira plus "clonage", ça fait peur. Mais "transposition nucléaire". Comprenne qui pourra. On ne dira plus "mère porteuse" mais "femme porteuse". Ou encore "nounou prénatale" ou "donneuse de temps utérin" pour nier la réalité de la grossesse et de la maternité.
Mais le pompon revient au député Jean-Louis Touraine. Pour faire avaler la pilule de la PMA post-mortem (c’est-à-dire la réalisation d’une procréation assistée après la mort d’un des parents, grâce à la congélation des gamètes ou des embryons). Le député a inventé, tenez-vous bien, "la PMA de volonté survivante". Chapeau bas…
L’avocat, Geoffroy de Vries, a publié un riche essai, "Le hold-up des mots", dans lequel il passe admirablement en revue nombre de mots et concepts aujourd’hui détournés. A des fins politiques, idéologiques. Ce qui entraine une insidieuse déconstruction du Droit. "Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté" disait Confucius il y a 2.500 ans déjà.
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