Un couple de californiens, déjà parents d’une petite fille de 5 ans, s’est lancé dans un processus de procréation assistée. Ils ont fait des fécondations in vitro. À l’issue de ce qui est toujours pour les couples un véritable parcours du combattant, la femme tombe enceinte. Une deuxième petite fille est née, en parfaite santé. Mais à sa naissance, un doute s’instille, surtout chez le père. Car elle a des caractéristiques physiques inattendues, sa peau par exemple est plus foncée que la leur. Au bout de quelques mois, n’y tenant plus, ils se résignent à procéder à des tests génétiques. Et là, le couperet tombe. Cet enfant n’est relié génétiquement à aucun de ses deux parents. S’en suit alors une enquête et une plainte envers la clinique. Les parents finissent par apprendre qu’il y a eu une erreur de manipulation qui a conduit à un échange d’embryon et qu’une autre famille a porté et mis au monde leur petite fille.
On peine à imaginer ce que ces parents ont traversé et traversent encore. Car l’histoire ne s’arrête pas là. Les deux familles se rencontrent. Et contre toute attente, décident d’échanger leurs enfants, déjà âgés d’un an. C’est absolument saisissant. Le besoin viscéral de se battre pour récupérer son enfant est aisément compréhensible, mais le prix à payer qui consiste à abandonner l’autre enfant semble impensable.
Le couple raconte que le moment le plus dur a été d’annoncer à leur aînée de cinq ans leur décision d’échanger les bébés, elle les suppliait de garder celle qui, pour elle, est sa sœur depuis toujours. Dans leurs interviews, la mère évoque une torture qui l’a secouée profondément, et le père parle d’un cauchemar. Toute leur famille souffre d’innombrables façons.
Cette histoire met je crois en lumière que le lien génétique, sans être « le tout » de la filiation, ne compte pas pour rien. Bien sûr que la filiation ne peut se résumer à la seule biologie (pensons aux adoptions). Mais pour autant, le lien génétique ne peut être balayé comme ne comptant pour rien. Cette histoire est une véritable tragédie moderne qui rappelle que nous sommes passés en quelques années de la vie donnée à la vie fabriquée. Avec toute sa chaîne d’acteurs impliquée, dans une industrie devenue globale et dans laquelle le risque zéro n’existe pas.
Même si ces erreurs de manipulation sont rares, elles ne sont pas exceptionnelles. D’ailleurs, cela a pu se produire sans que ni parents, ni soignants, ne s’en rendent jamais compte. En France, en 2014, on recensait une quinzaine d’erreurs sur les sept dernières années. Devant la répétition de ces défaillances, l'Agence de la biomédecine avait créé un groupe de travail et publié en 2012 des recommandations pour les centres de PMA.
Blanche Streb est essayiste, chroniqueuse, conférencière, auteure de "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018). Elle est aussi directrice de la Formation et de la recherche d’Alliance Vita. Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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