Le 16 septembre dernier, nous avons commémoré, le triste anniversaire de la mort de Masha Amini, cette étudiante iranienne, d’origine kurde, morte, il y a un an, à Téhéran, sous les coups de la police pour un voile mal mis.
Je voudrais rendre hommage à cette jeune femme de 22 ans, dont le prénom de naissance était Jina, prénom qu’elle ne pouvait porter car, d’origine kurde, il n’était pas autorisé par l’état-civil iranien. Alors qu’elle est accompagnée par son frère, elle est arrêtée par la célèbre « police de la moralité » pour « port de vêtements inappropriés ».
Censée être conduite dans un centre de détention pour y suivre un cours de morale de moins d’une heure, elle ne retrouvera jamais sa famille. Le même jour, elle est emmenée à l’hôpital ; elle y décèdera trois jours plus tard probablement d’une hémorragie intracrânienne.
L’annonce de son décès est suivie immédiatement de manifestations dans le Kurdistan iranien mais aussi à Téhéran puis progressivement dans une grande partie des villes iraniennes. Très vite, les manifestants reprennent le slogan national kurde « Femme, vie, liberté ! »
En effet, l’Iran s’enflamme dans les jours qui suivent l’enterrement de la jeune étudiante. Trois jours après, ce sont 16 des 31 provinces iraniennes qui connaissent des manifestations dans lesquelles, le slogan kurde est souvent associé à un autre plus radical encore « Mort au dictateur ! » Un slogan qui vise à la fois le Président de la République iranienne, issu de l’aile la plus conservatrice du régime et Ali Khamenei, le Guide de la Révolution.
Le mouvement s'est étendu à toutes les couches de la société, et à tout le territoire
La lutte contre le port du voile devient le symbole de la lutte contre un régime islamiste autoritaire et corrompu. En un an, le mouvement s’est étendu à toutes les couches de la société et à tout le territoire. Devant la puissance et la violence de la répression, les manifestants, en particulier les jeunes, font preuve d’une radicalité inédite.
Il est difficile d’avoir des chiffres exacts. On parle de dizaines de milliers d’arrestations arbitraires dont 90 journalistes et 60 avocats, en particulier ceux qui représentent les familles des victimes de la répression. On parle de milliers de blessés, de centaines de morts. Des images montrent la police qui tire à balles réelles sur les manifestants. Certains sont condamnés à la pendaison. Lors de leur détention, les contestataires sont torturés, les femmes violées. La pratique des aveux forcés est devenue monnaie courante.
En février et mars derniers, un étrange phénomène a eu lieu : une recrudescence des cas d’intoxication et d’empoisonnement dans les écoles de filles. Pourtant la mobilisation ne faiblit pas, elle s’adapte et prend de nouvelles formes : manifestations-éclairs, protestations à l’occasion des funérailles des victimes de la répression, sittings, actes de défiance…
Oui, je suis sur les réseaux sociaux ce mouvement qui reste très discret dans nos médias occidentaux et n’attire pas particulièrement l’empathie des féministes françaises, pourtant si promptes à dénoncer le caractère patriarcal du barbecue. Je suis fascinée par le courage de ces femmes qui se filment brûlant leur voile, dansant tête nue dans la rue, qui, dès leur sortie de prison, reprennent la parole pour poursuivre leur combat malgré les horreurs qu’elles ont vécues. À Téhéran, elles sont nombreuses, celles qui ne portent plus du tout le voile malgré le durcissement de la loi.
De mon canapé, je leur voue une admiration sans borne et je m’interroge. Quel est ce courage qui fait qu’un jour, au risque de la mort, chacune d’elle s’est levée et a bravé la peur ? Qu’est-ce qui fait qu’un jour la pulsion du sacrifie au nom de l’intégrité de la conscience l’emporte sur la facilité conformiste de vivre dans la crainte ?
Je les admire impuissante, presque certaine que leur courage ne sera jamais le mien… Aujourd’hui, je voulais simplement rendre hommage à ces femmes que la peur n’étreint pas.
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