Il y a dix ans jour pour jour, Jorge Mario Bergoglio était élu pape suite à la démission de Benoît XVI. Le pape François devient le premier pape non-européen depuis l'Antiquité. Patrice de Plunkett revient sur le rôle du difficile du souverain pontif à notre époque, dans une Eglise diversifiée en recherche d'équilibre.
Souvenez-vous de ce soir du 13 mars 2013 : après l’acte révolutionnaire de Benoît XVI décidant de quitter ses fonctions, il y a cette deuxième révolution qu’est l’apparition de l’élu au balcon, en simple soutane sans aucun ornement, pour dire quelques mots eux aussi très simples : “Frères et sœurs, bonsoir”, et : “Les cardinaux sont allés me chercher au bout du monde”.
Tout est dans cette phrase. François est en effet le premier pape non-européen depuis l’Antiquité. Et il est de l’hémisphère Sud, où réside désormais l’avenir démographique du catholicisme… Il faut bien comprendre que c’est ça qui fait de cet homme le pape de la grande réorientation géographique, culturelle et spirituelle de l’Eglise !
François ne pense pas du tout qu’ajuster l’Eglise à sa mission au XXIe siècle veuille dire modifier le contenu de la foi. Non, ce qu’il pense, il l’a dit dès 2013 aux journalistes dans l’avion de retour des JMJ de Rio. Je cite : “Nous devons trouver un nouvel équilibre, autrement l’édifice de l’Eglise risque de perdre le parfum de l’Evangile et de s’écrouler comme un château de cartes”.
Aujourd’hui comme à toutes les époques, pour un pape, “ne pas perdre le parfum de l’Evangile” c’est ne pas céder aux dérives qui pourraient banaliser le catholicisme. Ces dérives aujourd’hui existent à droite et à gauche : à droite, la dérive serait de vouloir transformer l’Eglise en société de sauvetage d’on ne sait quelles valeurs “traditionnelles”… A gauche, la dérive serait d’aligner l’Eglise sur des idéologies à la mode… Et ces deux dérives n’existent que dans les pays riches de l’hémisphère nord.
Comme disait un philosophe que j’ai connu et respecté, Claude Tresmontant, la papauté est “l’organe régulateur du corps universel de l’Eglise catholique”. C’est ainsi qu’on peut voir la tâche du pape François. Terriblement difficile aujourd’hui, cette tâche consiste à donner toute sa place à l’hémisphère Sud, qui religieusement se porte bien, mais sans perdre de vue le canton européen de l’hémisphère Nord, qui religieusement se porte mal.
Pourquoi ce canton européen se porte-t-il mal du point de vue de l’âme ? Parce que le type de société de l’Europe occidentale ressemble, comme disait déjà Bernanos, à “une conspiration contre toute vie intérieure”… Oui, la tâche du pape est bien difficile.
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