Il arrive sûrement que chacune et chacun de nous puisse dire à peu près n’importe quoi. Et parfois même peut-être des propos choquants ou scandaleux. Mais quand il s’agit d’un candidat à la présidentielle, comme Eric Zemmour qui le 14 janvier dernier déclarait à propos de la scolarisation des enfants porteurs de handicap "je pense que l’obsession de l’inclusion est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là qui sont, les pauvres, complètement dépassés par les autres enfants", il y a de quoi être en colère. Écœurée aussi.
Oui scolariser des enfants porteurs de handicaps au cœur de l’école banale, dans des classes ordinaires, est un défi compliqué qui demande des moyens et du personnel formé. Toutes choses qui n’existent pas à la hauteur des besoins et nombre d’enfants et de parents en souffrent tous les jours, spécialement de l’absence criante d’accompagnants d’élèves en situation de handicap et du peu d’heures attribuées aux enfants qui le nécessitent.
Mais c’est l’honneur d’une société, son obligation morale, que faire vivre dans les mêmes lieux d’apprentissage, de socialisation, des enfants de toutes sortes : blancs, noirs, grands et petits, porteurs de handicaps visibles ou invisibles. Des enfants donc. Tous demain participeront de la même communauté de destin. Depuis 2005 et la loi du 11 février consacrant le droit de tout élève handicapé d’être scolarisé en milieu ordinaire, c’est à l’école de s’adapter au handicap et non l’inverse. Depuis, le nombre d’élèves concernés scolarisés en milieu ordinaire n’a cessé d’augmenter pour atteindre plus de 380 000 aujourd’hui.
C’est un impératif moral, social, le sens de nos démocraties que l’engagement pour l’égale dignité et le refus de toute ségrégation, de tout misérabilisme. Faut-il rappeler qu’il y en France près de 12 millions de personnes qui vivent et portent un handicap. Ce peut être n’importe qui parmi nous aujourd’hui ou demain. Notre société s’obstine à traiter de la vulnérabilité comme d’une anomalie passagère qu’il faut corriger. Comme si elle était une exception. Mais la vulnérabilité est omniprésente et la crise majeure provoquée par le covid 19, avec son cortège de vies abimées et fragilisées le démontre tous les jours.
Les vulnérabilités sont la norme de nos humanités et de nos sociétés, de l’illettrisme à l’isolement, la précarité, la maladie ou le handicap. Ne pouvons-nous donc pas penser que ces vulnérabilités sont sources de talents, de savoirs expérientiels, de créativité et de capacités d’adaptation ? Bref de potentiels. La nécessité de s’entraider est tout simplement au cœur de tout lien social comme de l’activité économique et de la culture. Alors oui, donnons-nous cette chance de "nous réapproprier la capacité à être blessé".
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