Le vicaire général du diocèse de Paris appelle à donner de son temps, de son humanité, en confiance et fraternité. "Il faut que des voix s’élèvent" urgemment face au sort des migrants.
La question de ceux que l’on nomme "migrants", "réfugiés", défraie les chroniques et se fait sujet sensible dans une société divisée entre les partisans de l’accueil et ceux qui exposent leurs craintes. "Ce sont, avant tout, des personnes !" rappelle Mgr de Sinety. Connu pour son franc-parler et son engagement pour les plus fragiles, le vicaire général de l’archevêque de Paris présente son ouvrage "Il faut que des voix s’élèvent", éd. Flammarion, pour inciter à la rencontre et l’accompagnement des migrants qui vivent des situations difficiles.
Se rendre disponible, ouvert, ce n’est pas si simple qu’on l’imagine. "Je ne pense pas être à la hauteur de ce que je pourrais être, explique Mgr de Sinety. Je pourrais être plus attentif, généreux, disponible… On entend "fais attention à ton prochain, aime", et parfois on se dit que l’on n’a pas le temps, que d’autres le feront à notre place".
Mgr de Sinety a été confronté pour la première fois à la situation des migrants en la personne d’un adolescent camerounais venu frapper à sa porte pour trouver un abri. "J’ai grandi dans un milieu protégé, sans questions de pauvreté, de difficultés sociales… Je n’avais jamais rencontré humainement, physiquement, de telles problématiques".
Alors curé de Saint-Germain-des-Prés, il est incité par un jeune à participer à l’opération "Hiver solidaire", des paroisses accueillant des SDF durant trois mois. "Je lui ai répondu qu’on avait d’autres priorités. Puis il a réussi à me convaincre…" Rien d’autre à faire que donner de son temps, aimer les recueillis. "Ce que j’ai trouvé extraordinaire, c’est que les paroissiens y sont parvenus : 200 d’entre eux se sont succédé, et ont tissé des liens d’amitié avec les SDF".
Mgr Benoist de Sinety appelle à ouvrir son cœur : "Le cœur de l’homme n’est jamais trop petit pour aimer davantage ! On doit risquer d’aimer au-delà du petit cercle de gens qui renvoient une image flatteuse de nous-mêmes". Ce qui rend les gens heureux, ce qui les satisfait, ce ne sont pas les conditions matérielles. "Ce qui marche, c’est le face à face, l’homme à homme. La vérité de notre société se réalisera si les gens se rencontrent et s’accompagnent".
"Prenez le temps d’aller à la rencontre d’un migrant", exhorte le vicaire général. Dans notre pays, en France, la peur réside parfois des deux côtés. "La France est riche, mais des millions de personnes vivent difficilement… Beaucoup s’angoissent… alors le phénomène des migrants qui arrivent appesantit l’atmosphère".
Pour autant, nombreux sont les riverains des quartiers du nord-est parisien qui viennent porter secours aux migrants près de leurs portes : "Quand on voit quelqu’un dormir dehors, on va l’aider". Quelles que soient la religion, la nationalité…
Mgr Benoist de Sinety cite, dans son ouvrage, le Lévitique : "ll sera pour vous comme un de vos compatriotes, l’étranger qui séjourne avec vous, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte". On retrouve, dans la Bible, cette exigence d’hospitalité.
"C’est le meilleur remède aux dangers de l’idolâtrie de sa terre. Dès lors qu’on accueille l’immigré comme un frère, un compatriote, cela brise la tentation d’idolâtrer le lieu où l’on réside. J’aime la France mais je sais que ma vraie patrie, c’est le royaume de Dieu. Cette terre m’est confiée pour y faire advenir la réalité de cette promesse que Dieu nous fait d’être un jour résident de sa patrie. Si je m’accroche à mon lopin en disant ici c’est chez moi, en en faisant un sanctuaire, je ne respecte pas la volonté de Dieu. Je me l’approprie alors qu’elle m’est confiée pour en partager les ressources".
Pourquoi nous sommes là ? Pourquoi tant d’addictions ? Pourquoi les gens sont si malheureux, seuls ? Ainsi s'interroge Mgr de Sinety. "On a relégué aux marges de la communauté les questions existentielles... Les gens sont perdus".
Mgr Benoist de Sinety est ordonné prêtre pour le diocèse de Paris en 1997, et fut vicaire à Notre-Dame de Clignancourt de 1998 à 2003. De 2003 à 2005, il fut le secrétaire particulier du cardinal Jean-Marie Lustiger.
Il est nommé, en 2009, curé de la paroisse Saint-Germain-des-Prés. En mai 2016, le cardinal André Vingt-Trois le nomme vicaire général.
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