"Vers un nous toujours plus grand": tel est le cap fixé par le pape François pour la journée des migrants et réfugiés qui sera célébrée le dimanche 26 septembre.
Rimbaud contemplait son "je" qui est un autre. Tout homme se pressent en partie étranger à lui-même, découvrant chaque jour combien la quête de soi est un voyage passionnant et vertigineux. Périlleux aussi car à trop "s’introspecter" on finit par se perdre dans ses méandres intérieurs, se détacher de ce qui nous relie. Nous devenons alors des monades errantes dans un espace de plus en plus hostile, effrayés et peureux de tout ce qui n’est pas "moi".
Lors de son voyage en Hongrie et en Slovaquie, François insistait ces derniers jours sur le fait que La Croix une fois plantée en terre en plus de nous inviter à nous enraciner, élève et étend. Jamais dans l’Evangile le Christ ne nous enseigne à regarder vers le sol mais toujours à lever les yeux vers le Ciel avec lui. Afin qu’y monte la prière des hommes, parfois soupir, parfois râle, parfois rire, parfois cri.
Le Christ s’élève de la terre et étend les bras sur le monde. Il inaugure un mouvement déraisonnable qui nous libère de nos certitudes pour nous faire goûter l’au-delà de nos habitudes. Comme beaucoup d’autres, le migrant surgit dans nos paysages si coutumiers non pour les détruire mais pour les interroger. Il ne vient pas supprimer ou remplacer mais nous oblige à redécouvrir, à repenser ce que nous avons construits.
J’entendais l’autre soir une litanie de crimes commis dans différente pays d’Europe par quelques dizaines de personnes accueillies comme migrantes. Le député européen qui se gargarisait ainsi, se doutait-il qu’en citant une poignée de noms de criminels, il mettait en lumière les centaines de milliers, pour ne pas dire les millions de noms de personnes qui, elles, ne font rien de mal et aspirent à vivre dans cette culture fondée sur l’Evangile ? Culture qui mourra certainement si elle se détourne de ses principes fondamentaux.
Nos racines ne sont là que pour nous donner l’assurance que nous montons vers le ciel. Si elles cessent d’être abreuvées par le fleuve de charité qui jaillit du côté transpercé de Jésus - c’est-à-dire de nos cœurs puisque c’est la mission que reçoivent les baptisés de chercher à faire battre leurs cœurs au rythme de celui de Dieu même - alors nos racines se fossiliseront et un jour ou l’autre ce que beaucoup redoutent se produira: elles seront déterrées et rejetées et brûlées comme une souche devenue stérile.
C’est d’ailleurs peut être ce qu’espèrent avec gourmandise ceux qui, tout en professant leur athéisme total, ne cesse d’en appeler aux valeurs chrétiennes. Le Malin agit souvent à visage couvert, se gonflant de l’apparence de celui qu’il cherche à détruire. Il faut l’affirmer, et ce n’est pas rien à l’ère que nous vivons où la défiance semble être érigée en principe d’action, rien ne peut se prévaloir de l’Evangile en nous incitant à agir à l’inverse de ce que cette parole énonce clairement et simplement. C’est en le disant tranquillement et avec une ferme affection que le Vicaire du Christ vient nous rappeler notre vocation.
Le Père Benoist de Sinety est curé de la paroisse Saint-Eubert (Lille). Il est l'auteur du livre "Il faut que des voix s’élèvent" (éd. Flammarion, 2018). Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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