POINT DE VUE DE THÉO MOY - Un rapport de l’UNESCO publié la semaine dernière inquiète : 70% des journalistes spécialisés dans l’environnement ont déjà été victimes de menaces physiques ou psychologiques. Théo Moy, journaliste à La Croix rappelle l’importance de la défense de l’indépendance d’un journalisme sourcé et vérifié.
44, c’est le nombre de journalistes spécialisés sur les questions environnementales qui ont été tués en l’espace de 15 ans. Dans un rapport dévoilé vendredi dernier, l’Unesco lève le voile sur cette réalité encore sous-estimée : les violences, menaces et meurtres dont sont victimes dans le monde entier les journalistes qui révèlent des scandales écologiques.
Pour ce rapport, l’Unesco a enquêté auprès de 900 journalistes. Et 70% d’entre eux ont indiqué à l’agence avoir été visé, attaqué, à cause de leurs enquêtes sur les enjeux environnementaux. L’ultra-majorité a ainsi subi des menaces, et pressions psychologiques, 60% ont été victimes de harcèlement en ligne et deux sur cinq ont même subi des violences physiques.
Le résultat de tout cela fort malheureusement c’est une autocensure, car presque la moitié d’entre eux reconnaissent avoir déjà renoncé à publier des informations.
Sur les 44 journalistes tués en 15 ans, 30 l’ont été en Asie-Pacifique et 11 en Amérique latine ou dans les Caraïbes. C’est donc dans les pays en développement que les risques sont accrus. En Inde par exemple, les journalistes qui enquêtent sur le trafic de sable de construction, une denrée rare qui permet de faire du béton, sont visés par une mafia redoutable.
En 2018, l’un d’entre eux a été volontairement écrasé par un camion benne, et 3 ans avant un autre avait été brûlé vif par la police indienne. Dans ces pays, les journalistes sont beaucoup moins protégés et leur sort encore moins médiatisé que dans les pays riches.
On est loin évidemment du cas indien. Mais ces dernières années, de nombreux journalistes ont été inquiétés alors qu’ils couvraient ou enquêtaient sur des sujets environnementaux.
Une des plus connues est la journaliste Inès Léraud qui a été harcelée et attaquée pour son travail sur la responsabilité du secteur agroalimentaire breton dans la pollution aux algues vertes. Des journalistes qui couvrent des actions écologistes sont aussi régulièrement arrêtés ou empêchés de travailler.
Ce que démontre ces chiffres très inquiétants, qui sont d’ailleurs en forte augmentation, c’est tout simplement que les questions environnementales sont clivantes. Les journalistes environnementaux sont confrontés à des risques croissants car leur travail « recoupe souvent des activités économiques très rentables, telles que l'exploitation forestière illégale, le braconnage ou le déversement illégal de déchets », souligne l'Unesco.
Ces chiffres sont la preuve que la transformation écologique ne se fera pas dans la douceur, à travers une série de petits gestes, de transitions douces et de nouveaux investissements stratégiques, comme on veut souvent nous le faire croire. Car il y a un camp très organisé, soutenu par des Etats, qui n’a aucun intérêt à ce qu’on cesse les activités les plus polluantes qui se trouvent souvent être les plus rentables.
Les journalistes, lanceurs d’alerte et militants qui montrent au grand public ce que font ces entreprises et leurs soutiens, doivent être, partout, protégés et soutenus.
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