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Commentaire lecture deuxième dimanche de Pâques

Un article rédigé par Véronique De Stexhe - 1RCF Belgique, le 5 avril 2024 - Modifié le 5 avril 2024

En ce deuxième dimanche de Pâques, la foi au Christ ressuscité et ses conséquences
pour notre vie et nos communautés sont au cœur des lectures. Mais la foi n’est pas si facile. C’est donc avec Thomas, notre jumeau dans le doute et la foi que nous allons cheminer Aujourd'hui.

Représentation évangileReprésentation évangile

1 Jean 5, 1-6 ; L’amour, la foi, la naissance en Dieu, la victoire sur le mal, les commandements, le témoignage, l’eau, le sang et l’Esprit... tous ces thèmes chers à Jean se retrouvent autant dans son évangile que dans ses épîtres. « Celui qui croit que Jésus est le Christ est né de Dieu ; celui qui aime le Père  aime aussi le Fils qui est né de lui. » Selon Jean, tout s’enracine dans l’identité divine du Fils. Mais pour reconnaître cette identité divine, il y a lieu de « naître de Dieu ».


 Déjà dans son évangile, dès le chapitre 3, lors de la rencontre avec Nicodème qui était venu le trouver de nuit, en cachette, mais aussi, sans doute, dans sa nuit intérieure, Jésus lui avait dit : « à moins de naître d‘en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu ». Plus loin, il lui dit : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle ». Croire que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, ne relève pas d’une adhésion intellectuelle, mais d’une nouvelle naissance. Nicodème avait d’ailleurs éprouvé des difficultés à de comprendre : « Comment un homme peut-il renaître alors qu’il est vieux, peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ?» avait-il demandé à Jésus. Il lui avait parlé de la nécessité de naître de l’eau et de l'esprit. De naître d’en haut... de croire en celui qui est descendu du ciel, de s’enraciner dans une lumière venue d’ailleurs.
 

Le Credo de Nicée parle de celui qui est « né du Père avant tous les siècles, vrai Dieu né du vrai Dieu, lumière née de la lumière, engendré non pas créé, de même nature (divine) que le Père ». Naître de l’eau par le rite du baptême, oui. Mais bien plus encore naître de l’Esprit par cet enracinement en Dieu qui colore toute la vie d’une lumière nouvelle.

C’est bien cela qu’avaient compris les premières communautés chrétiennes qui n’étaient qu’un seul cœuret une seule âme au point de tout mettre en commun, comme l’évoque la première lecture tirée des Actes des Apôtres. La foi vécue, intériorisée, qui nous marque comme d’un nouvel ADN, ne peut qu’avoir des répercussions sur notre vie la plus quotidienne et la plus concrète : radicalité de vie, partager, témoigner. A l’époque où ces textes sont écrits, de nombreux chrétiens iront jusqu’au martyrs et c’est encore le cas aujourd’hui en différents lieux du monde.

C’est de cette radicalité que Jean parle lorsqu’il dit que l’amour de Dieu, c’est garder ses commandements. Et il ajoute : « ses commandements ne sont pas un fardeau, puisque tout être qui est né de Dieu est vainqueur du monde ». Il est dommage qu’en occident, nous ayons perdu, au fil des siècles, la pratique du baptême par immersion qui exprime si bien cette nouvelle naissance, en particulier pour les adultes et adolescents qui choisissent personnellement le baptême. Plonger intégralement dans l’eau jusqu’à y perdre le souffle pour en ressortir et respirer à pleins poumons le Souffle de l’Esprit pour exprimer la mort au passé et la naissance à une vie nouvelle. Certes, il y a des circonstances où les commandements, les lois fondamentales de la vie, peuvent nous sembler trop lourds à porter. Des choix à faire, des décisions à prendre, des renoncements à consentir, sont parfois douloureux.

 

Mais, comme il est dit dans la première épître aux Corinthiens : « Dieu est fidèle, il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces, mais avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter. » Le croyons-nous ? Tout être qui est né de Dieu est déjà vainqueur du monde.

 

C’est en germe, en puissance, en levain capable de faire lever toute la pâte de nos vies, enracinés dans le Christ et en vue d’un bonheur plus grand. Jésus qui est venu par l’eau et par le sang. Non seulement l’eau du baptême, mais le sang de la passion par laquelle il a pris sur lui toutes nos fautes, nos faiblesses, nos fragilités, nos doutes, pour que nous vivions dans l’Esprit qui est vérité, authenticité, cohérence. Comme le dit ce cantique de la deuxième épître à Timothée : « cette parole est certaine : si nous sommes morts avec lui, nous vivrons aussi avec lui, si nous restons fermes, avec lui nous régnerons ».
 


Jean, 20, 19-31« Le soir venu, en ce premier jour de la semaine » Cela se passe le même soir que le récit des disciples d’Emmaüs dans l’évangile de Luc. C’est le soir même de la découverte du tombeau vide. C’est le premier soir de la première Pâques. C’est l’ouverture d’un nouveau commencement, d’une ère nouvelle. C’est le jour où l’histoire humaine a basculé dans l’inédit de la Résurrection. Les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des juifs. Les verrous de la peur. Le lieu exact où se trouvent les disciples n’est pas mentionné. Où étaient-ils rassemblés exactement ? Ce pourrait être n’importe quel lieu où nous sommes enfermés quand Nous avons peur. Y compris les lieux intérieurs remplis de craintes qui nous paralysent.

C’est le soir. La nuit est tombée. Cela évoque aussi l’obscurité des cœurs. Le doute. Certes, le matin même, Marie-Madeleine a trouvé le tombeau vide. Pierre et Jean y sont allés. La foi a commencé à se frayer un chemin dans le cœur de Jean. Le récit qui précède nous dit : « Il vit et il crut ». Marie-Madeleine a ensuite rencontré celui qu’elle a d’abord pris pour le jardinier et qui, l’appelant par son nom, s’est fait reconnaître. Jésus l’a envoyée en mission auprès de ses frères, les disciples. L’ont-ils vraiment crue ? Dans l’évangile de Luc, on apprend qu’ils ont considéré cela comme des « radotages ». Pas très convaincus les disciples... Il est vrai qu’à l’époque, même sur le plan strictement légal, le témoignage des femmes ne valait pas grand-chose. L’obscurité, la peur, le doute... Qu’évoquent pour nous ces réalités ? Quelles sont les circonstances de nos vies où nous en sommes là ?

« Jésus vient et il était là au milieu d’eux. » Au milieu du groupe, mais aussi au milieu, au cœur de chacun d’eux. Il vient et il était là. Cela peut paraître évident. S’il vient, c’est qu’il est là ! Mais cette redondance met l’accent sur la Présence. Il y a une intensité de présence. Jean, par ailleurs, développe beaucoup l’idée de demeurer, d’habiter. Jésus est celui qui demeure au milieu de nous et en nous. Il leur dit : « La paix soit avec vous ». Sa présence apporte la paix. Et juste après, il leur montra ses mains et son côté transpercés. Contraste. Paradoxe entre les marques de la violence qu’il a subie et la paix qu’il apporte. La paix s’est frayée un chemin à travers la violence. Jésus se fait reconnaître par les marques de ses blessures. Étonnant. Choquant, même. On voudrait parfois que la résurrection ait effacé toute marque de souffrance, toute blessure, toute cicatrice. Mais
non. Jésus les assume dans la résurrection, ainsi que les nôtres.

Elles ne sont pas effacées. Nos épreuves, nos blessures, ne sont pas destinées à être effacées, mais transfigurées. Elles sont appelées à trouver un sens qui les dépasse. (J’ai vu il y a quelques jours une icône du voile de Véronique ». La tradition rapporte qu'une certaine Véronique aurait essuyé le visage de Jésus qui se serait imprimé sur le tissu.

Histoire ou légende, peu importe puisque le message, lui, est très profond. Véronique, en grec, c’est veron ikon. Et cela veut dire : véritable image. Au moment où Jésus était le plus défiguré par les souffrances de sa passion, il incarnait pleinement et parfaitement l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Paradoxe de l’amour.) Les disciples reconnaissent Jésus et en sont remplis de joie. Il leur répète pourtant encore une fois : « la paix soit avec vous ». Et il enchaîne : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Ils en auront bien besoin, de cette paix, quand ils iront partout où ils seront envoyés, traversant épreuves et persécutions !

« Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : ‘recevez l’Esprit Saint’ » La nuance du verbe grec est active et évoque plutôt : « Saisissez-vous de l’Esprit Saint ». En effet, ils ont à faire leur part active pour le recevoir. Et cela prendra du temps. Une semaine plus tard, Jésus revient et ils sont toujours enfermés et craintifs. Il y a un temps de maturation et de croissance.

La Pentecôte est là en germe mais ne viendra pleinement que 50 jours après Pâques. Nous aussi, nous avons besoin de temps pour accueillir le don de Dieu. Jésus continue : « A qui vous remettez les péchés, ils seront remis. A qui vous les maintiendrez, ils seront maintenus. » Remettre ou maintenir les péchés, quelle responsabilité ! Dans la mentalité biblique, un péché, c’est un acte qui manque son but. Une flèche qui rate sa cible. Pouvons-nous maintenir une personne dans une vie qui manque son but ? Pouvons-nous la figer dans une voie qui passe à côté du sens de la vie ? Ou faut-il, en lui remettant ses péchés, la remettre en route ? La remettre sur un chemin qui a du sens, qui honore le sens et le but de la vie ?
 

Lors de cette rencontre avec Jésus, Thomas, dont le nom signifie jumeau, était absent. Il ne peut pas croire au récit des disciples. Il a besoin de voir, lui aussi, mais également de toucher. Mettre ses doigts dans les marques des clous, mettre sa main dans son côté transpercé. Thomas, notre jumeau... Nous aussi, nous avons souvent bien du mal à croire à ce que nous ne pouvons ni voir ni toucher du doigt. Pour Thomas, les blessures de Jésus sont essentielles. Craint-il que le Christ ait lui aussi un frère jumeau inconnu qui se serait fait passer pour Jésus ressuscité ? Dans ce cas, seules les blessures pourraient être une preuve irréfutable.

Or, 8 jours plus tard, la scène se reproduit. Trace précoce de ce que les premiers chrétiens commencent à se réunir de semaine en semaine, le premier jour, c'est-à-dire le dimanche. Cette fois, Thomas est présent. Et Jésus le rejoint là où il en est. Il l’invite à toucher ses blessures.

Cela me fait penser au film récent intitulé : « Jésus, l’enquête », qui retrace le parcours d’un journaliste d’investigation athée qui, perturbé par la conversion de sa femme, mène une enquête serrée auprès d’historiens, de médecins, de psychologues sur les faits, persuadé de pouvoir convaincre sa femme que la résurrection est une supercherie. Son enquête ne le conduire exactement où il voulait en venir. Un film intéressant et bien documenté montrant que Dieu peut aussi combler une soif d’intelligence des faits.

Dans notre texte, contrairement à beaucoup de représentations iconographiques, on ne dit pas, Finalement, Thomas a touché ou pas les plaies de Jésus. Mais quoi qu’il en soit, il s’exclame : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Une affirmation on ne peut plus claire de la divinité de Jésus. J’aime le double sens de l’expression « Le bénéfice du doute ». Le doute de Thomas fait partie d’un cheminement qui a bénéficié à sa foi, et à la nôtre, puisqu’il est rapporté dans l’évangile. Le doute de Thomas, les reniements de Pierre, le témoignage sans valeur des femmes, tous ces éléments boiteux et embarrassants qui figurent dans les évangiles sont plutôt en faveur de la foi.

Si les disciples avaient voulu inventer une histoire convaincante et bien ficelée, ils se seraient abstenus de ces digressions désavantageuses. Oui, la paix soit avec vous, Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! (Chers auditeurs, pendant ces semaines entre Pâques et la Pentecôte, continuons d’approfondir notre foi en la résurrection de celui qui est le chemin, la vérité et la vie.)
 

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