Ce mercredi sort en salles le film "In Viaggio", du réalisateur Gianfranco Rosi. Le documentaire retrace les 37 voyages du pape François, qui dépassent souvent la simple visite des églises locales. On y découvre le portrait d’un homme seul face à "un monde qui boîte"...
À la genèse du film "In Viaggio", la singularité du pape François qui semble parcourir le monde comme un ami compatissant. Dès son élection en 2013, il s’est rendu sur l’île de Lampedusa pour signifier et dire sa compassion vis-à-vis des centaines de migrants morts en traversant la Méditerranée. "Mon film est né d’un hasard : ma rencontre avec le pape lors de son premier voyage à Lampedusa. Depuis, il s’est déplacé 37 fois. J’ai eu la vision d’un pape toujours en mouvement, qui amène l'Église loin des murs du Vatican", explique le réalisateur Gianfranco Rosi. Il a dû opérer une sélection drastique parmi 800 heures d’images d’archives : "J’ai vécu un grand moment d’humilité en visionnant autant d’images que je n’avais pas filmées. Cela a été un voyage intérieur très profond."
Avant tout, Gianfranco Rosi souhaitait montrer l’homme derrière le chef religieux : "Mon plus grand défi était de parler du pape sans passer par le prisme de la théologie." Une des particularités du documentaire est l’absence de tout commentaire de spécialiste : "En général, j’évite les interviews dans mes films. Je veux transformer la réalité en récit cinématographique : les monologues du pape sont mis en parallèle avec des espaces de silence." Pour illustrer les paroles du pape François, le réalisateur a sélectionné avec soin des images frappantes en lien avec les thématiques abordées. Le réalisateur souhaitait aussi faire le portrait d'un "monde qui boîte" : "Chaque pause, chaque rencontre est un moment de réflexion profond. C’est une métaphore d’un chemin de croix contemporain."
Le pape François renvoie l’image d’un homme proche des gens, dans la lignée du très populaire Jean-Paul II. C’est ce qui a frappé Gianfranco Rosi qui a eu le privilège d’accompagner le souverain pontife lors de ses voyages à Malte et au Canada : "Il va à la rencontre des gens sans prosélytisme. Il rentre en contact physiquement avec la foule, on a l’impression qu’il regarde chacun dans les yeux." Les voyages pontificaux ne sont pas nouveaux mais les choix des destinations sont lourds de sens : "La rupture a eu lieu avec Paul VI dans les années 1960, au moment de Vatican II. Il est devenu nécessaire d’aller à la rencontre des catholiques, dans une vocation pastorale. La dimension de rencontre personnelle est toujours importante, mais ce qui change avec le pape François, c’est la visite des périphéries", soutient François Mabille, spécialiste de la géopolitique des religions.
Ce qui singularise le pape François, c’est sa façon simple de s’exprimer. Elle lui a valu d’être qualifié de "curé de campagne" par Philippe Levillain, historien de la papauté. "Le pape François a un franc-parler qui tranche avec ses prédécesseurs, pour le meilleur et pour le pire. Benoît XVI était un homme de l’écrit dans le respect total du langage traditionnel de l’Église, là où son successeur improvise des conférences de presse en avion. Il prend l’opinion catholique à témoin de son désir de changement." Sa volonté de s’adresser au plus grand nombre est probablement à l’origine de sa popularité, même auprès des non-croyants comme Gianfranco Rosi : "Il arrive à s’adresser à tout le monde", témoigne-t-il.
Les voyages du pape François ont eu des échos politiques et humanistes forts. Il a entrepris des voyages risqués qui allaient au-delà de la simple rencontre des Églises locales : "Quand il s’est rendu au Bahreïn en novembre dernier, il a voulu renouer le dialogue avec l’islam. Ce voyage est à mettre en parallèle avec son déplacement en Irak l’année dernière : il a promu un message de liberté de conscience, de tolérance, et plus largement de pacification de la société. De même, à Lesbos, en Grèce, il a réitéré le plaidoyer de l’Église catholique en faveur des migrants", explique François Mabille. Ces déplacements ont une résonance unique au monde : "Même si l’Église catholique est pleine sécularisation et entachée de scandales, le pape est le seul chef religieux à avoir une influence mondiale. Il a un double statut de chef religieux et de chef d’État : ses prises de paroles et ses prises de positions sont attendues."
Malgré les bains de foule, le film "In Viaggio" montre en définitive toute la solitude du pape. L’affiche, qui expose la silhouette du pape François marchant seul au milieu d’une immensité de bleu, est très évocatrice : "L’image est tirée du discours pluvieux du pape sur la place Saint-Pierre pendant la pandémie. Cette apparition a frappé le monde entier. Je voulais retranscrire ce sentiment de suspension, cette solitude réelle et métaphorique face à un monde qui boîte", détaille Gianfranco Rosi. Il conclut ainsi sur son film : "Il était important qu’il soit circulaire. Il termine sur une parole très forte : continue de rêver d’un monde qui n’est pas encore là mais qui un jour arrivera.”
Cette émission interactive de deux heures présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité avec des invités interviewés par Véronique Alzieu, Pauline de Torsiac, Stéphanie Gallet, Madeleine Vatel et Vincent Belotti. Une heure pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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