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Jean-Guilhem Xerri, médecin du corps, médecin de l'âme

RCF, le 28 juin 2019 - Modifié le 9 décembre 2024
VisagesJean-Guilhem Xerri, médecin du corps, médecin de l'âme

Pour Jean-Guilhem Xerri, la crise actuelle n'est pas tant économique, sociale ou morale, que spirituelle. Il nous parle de cette partie ignorée de notre être qu'est l'intériorité.

éditions du Cerf - Pour Jean-Guilhem Xerri, "les déterminismes biologiques ou psychologiques ne doivent pas nous faire oublier qu'il y a en nous des parts de volonté et de liberté".éditions du Cerf - Pour Jean-Guilhem Xerri, "les déterminismes biologiques ou psychologiques ne doivent pas nous faire oublier qu'il y a en nous des parts de volonté et de liberté".

"On pense que la totalité des maux de l'homme aujourd'hui sont soit d'origine biologique soit psychologique : on refuse de voir qu'il a aussi une partie des maux qui sont de nature spirituelle - c'est-à-dire des choses qui engagent notre liberté, notre volonté profonde." C'est cette partie ignorée de l'être que le psychanalyste et biologiste médical, Jean-Guilhem Xerri appelle "écologie intérieure". Il publie "Prenez soin de votre âme" (éd. Cerf), un ouvrage nourri de la pensée des Pères de l'Église mais aussi de son engagement associatif - Jean-Guilhem Xerri est l'ancien président de l'association Aux captifs la libération.
 

La vie de l'homme moderne, en somme, c'est de travailler beaucoup pour faire marcher la croissance et gagner suffisamment d'argent pour éprouver du plaisir en consommant. "On nous dit que c'est ça que doit être notre vie"

 

La perte de sens, l'origine de la crise

Pour Jean-Guilhem Xerri, la crise actuelle n'est pas tant économique, sociale ou morale, que spirituelle. "Nous sommes malades spirituellement", écrit-il. Pourtant, on parle beaucoup des religions ces derniers temps. Mais en parle-t-on sous l'angle apaisé de la sagesse ? "J'ai beaucoup plus peur de l'ignorance et de l'indifférence que du patrimoine de grandes traditions spirituelles", dit le psychanalyste. Que ce soit les précis de sagesse des traditions taoïste , bouddhiste ou chrétienne, toutes convergent vers l'importance de l'autre, vers une certaine sobriété, vers une juste mesure en toute chose. Toutes incitent aussi à prendre soin de sa vie intérieure : et ce n'est pas un hasard si les spiritualités orientales attirent nos contemporains.

Ajoutée à la perte de sens : l'hyper consommation, où l'individu passe de l'excitation au plaisir et à la frustration. "Nous ne nous respectons pas dans nos modes de vie, nous avons des modes de vie de fous, qui ne respectent pas notre écologie intérieure." La vie de l'homme moderne, en somme, c'est de travailler beaucoup pour faire marcher la croissance et gagner suffisamment d'argent pour éprouver du plaisir en consommant. "On nous dit que c'est ça que doit être notre vie." Et aussi le "bougisme", cette tendance à toujours devoir changer de tout - voiture, téléphone, vêtements, travail... voire conjoint.

La sobriété à titre préventif

"La sobriété ce n'est pas une privation, c'est une orientation juste de notre désir profond." Avec les Pères de l'Église, on comprend que la sobriété n'est pas simple privation ou ascèse, encore moins mortification. Il s'agit d'une "prévention" vis-à-vis d'une frustration. Des propos qui rejoignent le pape François : "Le bonheur requiert de savoir limiter certains besoins qui nous abrutissent, en nous rendant ainsi disponibles aux multiples possibilités qu'offre la vie." (Encyclique Laudato Si')

Savoir dire non, passer moins de temps devant un écran, manger moins ou mieux... Quel peut être l'objet de notre sobriété ? Chacun est invité à y répondre pour soit-même. Que gagne-t-on à rechercher une vie plus sobre ? À être plus "connecté à soi-même", plus "à l'écoute de son désir profond". Et pour cela, Jean-Guilhem Xerri encourage la "pratique méditative". Une façon de "revenir à soi" et d'être "vigilant à ce qui se passe en soi".

 



 

À trop idolâtrer la science...

... on en oublie que "tout n'est pas psychologique, donc soumis au déterminisme, culturel ou familial". Et que "tout n'est pas biologique, donc soumis au déterminisme biologique". Et en tant que biologiste médical et psychanalyste, Jean-Guilhem Xerri sait combien ils existent, les déterminismes, "et qu'il est nécesaire de travailler dessus". Mais ils "ne doivent pas nous faire oublier qu'il y a en nous des parts de volonté et de liberté".

Aussi, ce qui interroge, c'est notre rapport à la science. En plein États généraux de la bioéthique, Jean-Guilhem Xerri dénonce notre "rapport idôlatre à la science". Selon lui, devant les questions, certes passionnantes - et tout aussi vertigineuses - que sont le transhumanisme ou la fin de vie, "on a besoin de repères". "Mon propos n'est pas de dire que l'anthropologie chrétienne est la bonne, c'est juste de dire que si on veut réfléchir raisonnablement et rationnellement, il nous faut des points de repère et pour ça les grandes traditions philosophiques et spirituelles du monde sont irremplaçables. Et que parmi celles-ci il y a la tradition chrétienne qui apporte des éléments tout à fait intéressants."

 

Émission enregistrée en janvier 2018

 

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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