La déclaration Nostra Aetate en 1965 a été un tournant dans l'histoire du dialogue entre juifs et chrétiens. Le dialogue interreligieux suppose une volonté réciproque de se rencontrer, de se connaître et d'établir un climat de confiance. L'histoire des relations entre les juifs et les chrétiens est cependant marquée d'épisodes douloureux. Quelles sont les spécificités du dialogue judéo-chrétien ? Et quelle en est la finalité ?
En 1965, avec Nostra Aetate - texte fondateur voire révolutionnaire pour certains - l'Église affirmait qu'il existe des liens forts entre judaïsme et christianisme. Et surtout, cette déclaration issue du concile Vatican II invitait les théologiens et plus largement l'ensemble des croyants à prendre conscience de l'importance de la connaissance du judaïsme pour comprendre la foi chrétienne. 50 ans après, où en est-on ? "Au tout début de la réflexion", répond Frère Louis-Marie Coudray. Lui qui a vécu 35 ans en Terre sainte, à l'abbaye Sainte-Marie de la Résurrection d'Abu Gosh (Israël), a dirigé le Service national pour les relations avec le judaïsme (SNRJ) à la Conférence des évêques de France (CEF). Il nous explique de façon très concrète de quoi est fait le dialogue judéo-chrétien.
Les enjeux du dialogue interreligieux c'est de faire grandir la foi de chacun des interlocuteurs. Il suppose une envie d'aller vers l'autre, un désir de réfléchir sur sa foi et de s'interroger soi-même. "Ça nécessite d'être aussi profondément enraciné dans sa propre foi tout en étant ouvert pour entendre ce qui peut aussi être une remise en question par l'autre. Il faut accepter d'être déstabilisé et de ressortir encore plus fort dans sa foi, que l'on aura étayée, enracinée."
Le dialogue judéo-chrétien ne peut avoir la même finalité que l'œcuménisme, où on essaie de trouver une déclaration commune entre chrétiens - catholiques, protestants, orthodoxes. Dans le cas du dialogue entre juifs et chrétiens, il peut y avoir un exercice de définition des termes. Donnons-nous le même sens à des termes comme "le peuple de Dieu" ou "l'Alliance" ? On peut aussi interroger le sens de différentes pratiques. "Ensuite, nous dit Fr Louis-Marie Coudray, mais ça n'arrive que dans des petits groupes où il y a déjà un certain climat de confiance", on peut réfléchir ensemble à des questions "plus profondes" encore, plus cruciales...
Se rencontrer, se connaître et établir un climat de confiance : ce sont les trois étapes nécessaires pour pouvoir dialoguer en vérité et dans le respect de l'autre, insiste Fr Louis-Marie Coudray. C'est d'autant plus important de le rappeler que le mot dialogue est tellement utilisé que l'on en a fait quelque chose de convenu voire de consensuel. Se rencontrer, se connaître pour enfin établir un climat de confiance. "Ce n'est qu'à ce moment que vous pouvez vraiment être dans un dialogue."
Le dialogue, c'est être à l'écoute de l'autre, être dans la capacité de comprendre l'autre, et que l'autre vous comprenne. Le Fr Coudray précise bien : "Ce n'est pas parce que je comprends l'autre que je suis d'accord avec lui et ce n'est pas parce que l'autre me comprend qu'il est d'accord avec moi."
Appliqué aux relations judéo-chrétiennes, le dialogue suppose d'oser aller à la rencontre de ses voisins juifs. Et de se rendre compte par la connaissance de l'autre de tous ces "clichés et a priori" sur lesquels "on fonctionne", à propos de ceux qui nous entourent "et peut-être encore plus du monde juif car on a une bonne vieille tradition de 2.000 ans"...
Connaître le judaïsme, cela suppose de le comprendre "tel qu'il se définit lui-même", précisent les textes de l'Église. Sans oublier que le monde juif, tout autant que le monde chrétien, est pluriel, multiples. D'autre part, entre juifs et chrétiens, la façon de comprendre un même texte biblique est radicalement différente : "C'est là qu'est l'enrichissement !" Fr Louis-Marie Coudray rappelle d'ailleurs que "même au sein du judaïsme, les interprétations d'un même texte sont complètement différentes". La richesse des Écritures saintes tient notamment à leur "polyphonie de sens".
"Pourquoi le peuple juif a-t-il dit non à Jésus ?" C'est l'une des questions les plus importantes et délicates à la fois en ce qui concerne le dialogue judéo-chrétien. Il faut l'aborder "dans des petits groupes où il y a déjà un certain climat de confiance", recommande Fr Louis-Marie Coudray. Si cette question est "extrêmement importante" pour les chrétiens, c'est parce que c'est à partir "de cette constatation du 'non' du peuple juif, qu'on a élaboré la théologie de la substitution et qu'on a eu tout ce mépris pour le peuple juif"... Pour l'ancien directeur du SNRJ, ceux qui sont dans une démarche de dialogue pourront "découvrir qu'il y a peut être aussi une valeur positive à ce 'non' du peuple juif".
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