Mon Seigneur et mon Dieu, prends-moi tout ce qui m’éloigne de Toi.
Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche de Toi.
Mon Seigneur et mon Dieu, détache-moi de moi-même pour me donner tout à Toi.
Cette belle prière de la tradition de l’Église est attribuée à un saint suisse, père de famille nombreuse et ermite, grand artisan de paix : saint Nicolas de Flüe que nous fêtons le 21 mars.
Voici son histoire où nous allons, une fois de plus, voir combien Dieu est imaginatif pour se donner et nous donner des saints.
Il appartient à une famille de paysans aisés. Il mène une vie normale. Comme paysan, il ne sait ni lire ni écrire.
Dans sa jeunesse, il sert comme tout jeune dans l’armée de son canton. Il participe à la lutte contre le canton de Zurich. Vers l’âge de 30 ans, il épouse Dorothée Wyss, également fille de paysans. Elle a entre 14 et 16 ans, âge des épousailles pour les filles de cette époque. On sait que ce mariage est un mariage d’amour, il y a un vrai coup de foudre. La première fois que Dorothée rencontre Nicolas, elle imagine immédiatement devenir son épouse. Nicolas, de son côté, confie à un ami la certitude qu’il a d’être appelé au mariage avec Dorothée. Ensemble, ils auront 10 enfants, 5 fils et 5 filles. Nicolas travaille avec ardeur comme fermier ce qui permet à sa famille de mener une vie aisée.
En 1459, à l’âge de 38 ans, Nicolas devient conseiller et juge de son canton. Il exerce cette charge pendant 9 ans avec beaucoup d’intégrité. C’est un juge incorruptible qui suit sa conscience. Il le fait probablement très bien car on lui propose le poste de gouverneur (landamman) de son canton, mais il refuse.
En fait, Nicolas est dégoutté de la vie publique et politique, de la corruption qu’il voit autour de lui. Il renonce alors à tous ses mandats et s’adonne de plus en plus à la prière.
Il a différentes visions. Dans l’une d’elles, il voit d’abord un magnifique lys, puis son plus beau cheval mange le lys. Il comprend alors que la vie mondaine étouffe la vie spirituelle. Il ressent un fort appel à la vie contemplative.
Nicolas opère alors ce qu’il appelle lui-même « sa rupture ». Il explique la situation à sa femme, Dorothée. Bien que le dernier fils n’ait que 13 semaines, elle lui permet de quitter la vie conjugale et familiale pour partir. Elle prend en charge la ferme avec ses deux fils aînés, déjà mariés, qui sont heureux de prendre cette responsabilité.
Le 16 octobre 1467, à l’âge de 50 ans, Nicolas part alors en plein accord avec sa femme et sa famille. Il se retire alors dans la montagne, à seulement quelques centaines de mètres de la maison familiale, un lieu appelé Ranft (le ravin en suisse allemand). Avec des amis, il construit d’abord une cabane de branchage, puis un ermitage en bois dans lequel il va y passer les 20 dernières années de sa vie, dans le jeûne total, sans boire ni manger.
Elle a été vraiment extraordinaire de sainteté. Elle a encouragé son mari dans son appel et elle a accepté de le laisser partir pour devenir ermite, elle participe ainsi pleinement à la sainteté de frère Nicolas.
Après avoir quitté, sa famille, Nicolas n’est plus jamais retourné dans la maison familiale, mais Dorothée, elle, est venue souvent au Ranft avec ses enfants. N’oublions pas que l’ermitage est proche de la ferme familiale. Dorothée y descendait souvent, par exemple pour assister à la messe avec les enfants. C’est elle qui a tissé la bure d’ermite de son mari. Elle accueillait les nombreux pèlerins qui venaient voir son saint mari. Elle a aussi assisté Nicolas le jour de sa mort.
Des voix s’élèvent actuellement en Suisse pour que la sainteté de Dorothée soit également reconnue à l’égal de celle de son auguste mari.
Je pense qu’on peut conjecturer en tout cas que Nicolas et Dorothée sont un des saints couples de l’histoire de l’Église, avec une vocation étonnante évidemment, car tous les couples ne sont pas appelés à vivre un temps séparément pour devenir des saints.
Dans son ermitage, il aura la messe quotidienne, seulement lorsque grâce à tous les dons des pèlerins, il fonde une chapellenie pour rémunérer un prêtre qui habite ce ravin. Il ne prend plus d’autre nourriture que l’hostie consacrée quotidienne. La nouvelle circule et étonne. Les autorités mènent une enquête pour vérifier qu’il n’y a pas de tricherie. Après un mois d’enquête et d’observation, elles se découragent sans avoir pu prouver une quelconque falsification. L’évêque de Constance aussi mène une enquête en 1469.
Bientôt, la réputation de sainteté de frère Nicolas attire des visiteurs, des pèlerins sur la route de Compostelle. En outre, la sainteté de Nicolas et son expérience de conseiller et de juge en font un artisan de paix et un conciliateur hors pair.
On lui doit l’accord, du Convenant de Stans en 1481. La situation était tendue, on était au bord de la guerre civile : il s’agissait de partager le butin de Charles le Téméraire et de négocier l’admission des cantons de Fribourg et de Soleure dans la confédération. Les négociateurs voulaient se quitter sans s’être mis d’accord. Dans la nuit, son ami prêtre Heini Amgrund est venu faire un point de la situation au Ranft. Il a ramené un message de frère Nicolas aux négociateurs de la diète de Stans et ce message a résolu le différent en moins d’une heure. Plus tard, Nicolas a reçu des lettres de remerciement de Berne et de Soleure qui attestent de son rôle de pacificateur dans cette affaire.
C’est pourquoi il est considéré comme un des fondateurs de la confédération helvétique (la Suisse) et déclaré saint patron protecteur du pays. En Suisse il est fêté le 25 septembre.
Il meurt à 70 ans le 21 mars 1487, entouré de Dorothée, sa femme, et de certains de ses enfants.
Son culte est reconnu d’abord dans le diocèse de Constance, auquel appartient le canton d’Obwald à l’époque, puis en 1669, dans l’Eglise universelle. Il est canonisé en 1947 par le pape Pie XII.
L’exemple de Nicolas et Dorothée nous montre que la vocation au mariage est une vraie vocation à la sainteté. Le sacrement du mariage est donné aux époux pour qu’ils deviennent des saints ensembles. En même temps, dans un couple, chacun a sa propre sainteté.
Nicolas est devenu saint en étant un bon paysan, un juge intègre et en se faisant ermite et en se consacrant pleinement à Dieu pendant les dernières 20 années de sa vie. Dorothée est devenue sainte (j’ai conscience d’anticiper ici le jugement de l’Église) en étant une bonne paysanne, une mère de famille, en se consacrant à ses enfants, en aimant son mari au point de le laisser libre de suivre une vocation très particulière.
Le couple Dorothée – Nicolas montre que, dans un même couple, la sainteté de l’un a des connotations différentes de la sainteté de l’autre. Ce qui est important, c’est que chacun suive le projet de Dieu sur lui – et Dieu garde un projet personnel sur les personnes même si elles sont mariées. C’est pourquoi, dans le cas de béatification de personnes mariées, l’Église demande qu’il y ait un procès par personne. Ce n’est qu’après un certain temps qu’elle permet que les deux procès soient réunis en un seul.
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