Le 24 mars, c'est la fête de saint Oscar Romero, archevêque de San Salvador assassiné en 1980. Canonisé il y a cinq ans par le pape François, il est considéré comme l'un des chefs de file de la théologie de la libération. Une théologie qu'il a puisée dans la spiritualité de saint Ignace, le fondateur des jésuites.
Le 24 mars 1980, Mgr Oscar Romero, archevêque de San Salvador, était assassiné alors qu'il célèbre la messe. Près de 40 ans après sa mort, il a été canonisé par le pape François. Si le contexte politique et social du Salvador est essentiel pour comprendre son engagement, Oscar Romero a véritablement "incarné" l'Évangile et la foi chrétienne. C'est ce que nous explique le jésuite Martin Maier, auteur de "Oscar Romero - Prophète d'une Église des pauvres" (éd. Vie Chrétienne, 2016) : "Quand il a été assassiné j'étais profondément touché par ce martyre, parce que pour moi c'était tout à fait évident dès le début que c'est un martyr qui a donné sa vie pour la foi et pour la justice."
Oscar Romero a reconnu que pour être fidèle à la suite de Jésus, il faut vivre pauvrement, ça fait partie du prêtre
Né en 1917, dans une famille pauvre, Oscar Romero a suivi des études au petit séminaire de San Miguel grâce au soutien financier du maire de son village, puis il a gagné une bourse pour aller à Rome. Il a été ordonné prêtre en 1982, en réponse à un appel qu'il ressentait au fond de lui depuis l'âge de 12 ans. Une fois revenu au Salvador, Oscar Romero est devenu curé de campagne, où il menait une vie simple et côtoyait la pauvreté. Comme l'explique Martin Maier, il "a reconnu que pour être fidèle à la suite de Jésus il faut vivre pauvrement, ça fait partie du prêtre".
À l'époque d'Oscar Romero, le Salvador était un pays "très fécond". On y cultivait la canne à sucre, le café, le coton... Mais un pays "marqué par une profonde injustice" et de fortes inégalités sociales. "On a parlé de 14 familles possédant la plupart des terres fertiles", alors que "la grande majorité de la population vivait dans la pauvreté et la misère".
À San Salvador comme à Rome, Oscar Romero a été formé par des jésuites, c'est-à-dire par des membres de la Compagnie de Jésus, fondée par saint Ignace de Loyola. Celui-là même qui a imaginé les fameux exercices, "des temps de prière intenses pour chercher la volonté de Dieu". Les exercices de saint Ignace ont tenu une place fondamentale dans la formation spirituelle d'Oscar Romero. Toute sa vie il usera de cette méthode pour prendre position face aux événements qui se présenteront.
"La spiritualité ignatienne croit fermement que Dieu agit dans l'histoire et que nous sommes appelés à collaborer à ce projet de construction du royaume de Dieu, un royaume de justice et de fraternité, qui est le projet de Jésus", explique le P. Maier. Croire que l'on peut agir dans le monde, qu'il n'y a pas de déterminisme, que l'on peut changer la condition de ce monde : Oscar Romero aura pour "boussole" l'option préférentielle pour les pauvres.
Les exercices de saint Ignace exigent une grande liberté intérieure : c'est même "une des conditions pour entrer dans les exercices, explique Martin Maier, une liberté du cœur, ce que saint Ignace appelle 'maganimitas', c'est-à-dire avoir un cœur large". Or à cette époque au Salvador, l'Église avant Vatican II, était "assez traditionnelle". "On ne faisait guère attention aux conditions de vie sociale, décrit le Père Maier, d'une certaine façon c'était une spiritualité d'aliénation, parce qu'on disait si ça va mal dans ce monde vous aurez votre récompense dans le ciel." Une façon "aliénante" de comprendre la foi, qui pour Oscar Romero n'était pas l'Évangile. Ainsi, c'est en puisant dans la spiritualité d’Ignace de Loyola, qu'Oscar Romero a élaboré avec Jon Sobrino et Ignacio Ellacuria la théologie de la libération et du peuple crucifié.
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