Cette jeune chinoise est morte du supplice de la cage par fidélité au Christ.
Ce n’est pas facile d’être chrétien dans la Chine du XIXe siècle. Depuis 1717, la prédication de la foi chrétienne est interdite. Depuis 1723, une vague de persécutions se déploie et ne cesse jamais. On pense que la moitié des chrétiens chinois a été éliminée de cette manière.
C’est dans ce contexte de persécution larvée que naît la petite Agnès Tsao Kou Ying, le 28 avril 1821, dans la ville de Wujizhai où ses parents, des catholiques fidèles, ont trouvé refuge pour éviter les persécutions plus fortes de leur région d’origine. Ils font baptiser Agnès en secret et lui assure une bonne éducation chrétienne. Ils meurent lorsqu’Agnès n’est encore qu’une adolescente.
La jeune fille s’en va alors dans la ville de Xingyi pour trouver du travail. Elle est remarquée par l’évêque, Mgr Bai, qui apprécie son intelligence et sa piété et s’occupe d’approfondir sa formation catéchétique. À 18 ans, Agnès se marie avec un paysan chrétien. Après deux années de mariage, le jeune époux disparaît. A-t-il été martyrisé pour sa foi ? Nous l’ignorons. Ce qui est sûr, c’est que sa jeune veuve Agnès se retrouve de nouveau seule car ses beaux-parents la chassent, n’acceptant pas sa foi chrétienne.
Une autre veuve l’accueille chez elle. Toutes deux assurent leur subsistance en réalisant des travaux de couture. Mais Agnès fait aussi le catéchisme aux enfants et s’occupe également de charité.
C’est le père Auguste Chapdelaine, un missionnaire français des MEP (Missions Étrangères de Paris), né dans le Cotentin en 1814. Il est le premier prêtre catholique qui arrive dans cette ville et cette région depuis un siècle et demi. Il arrive en Chine à la faveur d’un traité signé en 1842 et qui autorise la pratique du christianisme dans les ports chinois où beaucoup d’occidentaux font du commerce.
Mais rapidement les missionnaires profitent de ce traité pour se répandre en dehors des ports dans la Chine continentale, ce qui va amener plus tard une nouvelle vague de persécutions.
Le père Chapdelaine ne parle pas encore très bien chinois. Il doit s’appuyer sur des laïcs pour son apostolat. Ceux-ci connaissent le terrain et sont aussi habitués à vivre dans la clandestinité depuis plus de 100 ans.
La technique des missionnaires consiste à envoyer des laïcs, célibataires ou couples, résider dans des villages où le prêtre ne peut se rendre régulièrement, et là, s’occuper de la communauté chrétienne clandestine en assurant la catéchèse, les baptêmes de nouveau-nés, le soin des malades et des vieillards. Le père Chapdelaine envoie Agnès dans le village de Baijiazhai où elle va se dévouer pendant 4 ans, de 1852 à 1856.
En février 1856, une vague d’arrestations est déclenchée. Le père Chapdelaine est dénoncé et arrêté à Dingan dans la nuit du 24 au 25 février. D’autres chrétiens sont aussi arrêtés. Parmi eux, Agnès Tsao Kou Ying, un certain Laurent et de nombreux autres. Presque tous renoncent à leur foi chrétienne et sont épargnés. Laurent refuse de renoncer au Christ et est le premier à mourir des suites des mauvais traitements qu’il a subis. Le père Chapdelaine est condamné à mort par décapitation, mais il est d’abord violemment battu. Il reçoit 300 coups de rotin. On l’enferme ensuite dans une cage de bambous où il est exposé à la vindicte populaire. Le supplice de la cage est une torture en elle-même. Le condamné ne peut pas s’asseoir, il est laissé à l’extérieur, exposé au froid et aux intempéries. Il ne reçoit ni nourriture ni boisson. Personne ne survit longtemps à ce supplice. Le père Auguste Chapdelaine meurt décapité le 29 février.
Il ne reste plus qu’Agnès, elle aussi enfermée dans la fameuse cage des condamnés. Ses bourreaux imaginent que son courage va flancher maintenant que le prêtre est mort. Ils espèrent qu’elle va renoncer au Christ comme tant d’autres l’ont fait. Mais Agnès se montre inflexible. On l’entend simplement prier du haut de sa cage, suspendue devant le tribunal.
Elle s’adresse à son Seigneur :
Jésus, je vous aime. Jésus, venez à mon secours…
Alors le juge la condamne à mort. Le 1er mars, Agnès meurt. On ignore si elle décède des suites des privations et des mauvais traitements ou si elle a été fusillée. Elle va rejoindre son Seigneur qu’elle a servi avec fidélité toute sa vie.
Agnès Tsao Kou Ying a été canonisée le 1er octobre 2000 par saint Jean-Paul II, en même temps que le père Auguste Chapdelaine et une centaine de martyrs chinois. Tout le groupe est fêté par l’Église le 9 juillet, mais Agnès a aussi sa fête propre le 1er mars.
Cette canonisation a provoqué une vive protestation de la part du parti communiste chinois, surtout parce que la mort du père Chapdelaine a été suivie de représailles françaises et anglaises qui ont humilié la Chine et laissé des traces jusqu’à aujourd’hui. Ce fut la deuxième guerre de l’opium de 1856 à 1860 au cours de laquelle le palais d’été de Pékin a été mis à sac. Malheureusement, la politique a souvent pollué l’action missionnaire. La guerre n’a jamais été la bonne réponse aux persécutions des missionnaires.
Mais la canonisation de sainte Agnès Tsao Kou Ying nous propose aussi un autre message : les laïcs sont appelés eux aussi à être des évangélisateurs. Sainte Agnès a évangélisé dans la clandestinité au milieu du XIXe siècle au moment même où, à Rome, saint Vincent Pallotti tentait de convaincre l’Église de donner aux laïcs la possibilité d’évangéliser. Vincent Pallotti est mort en 1850 sans avoir vu ses idées sur la mission acceptées car elles étaient considérées comme trop révolutionnaires pour son époque. Mais au même moment, à l’autre bout du monde, forcés par les circonstances dramatiques auxquelles ils devaient faire face, les missionnaires se sont appuyés sur des laïcs pour mener à bien leur mission. Ils ont pu être soutenus par des laïcs d’une grande sainteté qui ont accepté de donner leur vie pour le Christ.
Sainte Agnès et ses compagnons ont montré par le témoignage de leur vie et de leur mort que la grâce du baptême fait de nous tous des missionnaires.
Puissions-nous, à leur intercession, vivre pleinement cette vocation dans notre monde qui en a tant besoin.
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