Elle est la fondatrice des Assomptionnistes.
Anne-Eugénie Milleret de Brou est née à Metz le 26 août 1817 dans une famille aisée. Son père Jacques Constant Milleret, banquier et homme politique, se définit comme voltairien. Sa mère, Éléonore Joséphine de Brou, n’est pas pratiquante. Anne-Eugénie est néanmoins baptisée. À cette époque du début de la Restauration, la France est déchristianisée et la foi se réduit chez beaucoup de personnes à une séries de convenances sociales. Les parents d’Anne-Eugénie ne font pas exception à la règle.
Celle-ci passe son enfance entre la ville de Metz et le château familial à Preisch, près du Grand-Duché du Luxembourg. Elle fait sa première communion le jour de Noël 1829 dans l’église sainte Ségolène. Elle fait alors une expérience très courte mais qu’elle n’oubliera jamais. Elle a l’impression que le Seigneur la prévient qu’elle va perdre sa mère mais qu’il sera pour elle plus qu’une mère.
Anne-Eugénie a 13 ans lorsque son père est ruiné et que ses parents se séparent en 1830. Elle part avec sa maman à Paris et est séparée de son frère Louis qui a été son compagnon de jeux et qu’elle aime tant. En 1832, sa maman meurt des suites du choléra qui décime la population française. Anne-Eugénie est recueillie dans une famille amie, aisée et non pratiquante, où elle peut profiter des plaisirs de la haute société. Elle arrête aussi toute pratique religieuse pour un temps, mais l’expérience de Noël 1829 reste gravée dans son cœur.
Son père la fait revenir à Paris, et pendant le Carême de 1836, elle décide d’aller à Notre Dame pour écouter les conférences du célèbre prédicateur, l’abbé Lacordaire. Elle est profondément touchée et se convertit. Elle a 19 ans. Elle demande à l’abbé Lacordaire d’être son père spirituel, et rapidement, elle lui avoue son désir de se consacrer totalement à Dieu. L’abbé l’encourage à être fidèle dans la prière et à se former. En effet, Anne-Eugénie n’a quasiment aucune formation chrétienne. Elle avouera même à l’abbé Lacordaire :
Mon ignorance de l’enseignement de l’Église était inconcevable.
Elle se passionne alors pour le renouveau de la foi qui se manifeste en France autour de Lamennais, Montalembert et leurs amis. C’est là qu’elle rencontre l’abbé Théodore Combalot. Celui-ci repère immédiatement la valeur de la jeune fille. Il a le projet de commencer une nouvelle congrégation éducative qu’il veut appeler les religieuses de l’Assomption et il lui propose de la commencer avec lui. Anne-Eugénie lui rétorque qu’elle n’en est pas capable, elle n’a que 20 ans. L’abbé lui répond que Jésus sera le fondateur et qu’eux-mêmes ne seront que ses instruments.
Quelle est l’intuition de l’abbé Combalot ? Pourquoi une nouvelle congrégation enseignante pour jeunes filles alors qu’il y a déjà les Dames du Sacré Cœur de sainte Madeleine-Sophie Barat ? La réponse est simple. Les Dames du Sacré Cœur s’adressent à des élèves de milieux bien catholiques. L’abbé Combalot, lui, désire atteindre les jeunes filles de la bonne société déchristianisée en leur proposant une instruction de qualité tant dans les sciences profanes que dans la foi chrétienne. Il espère ainsi rechristianiser la bonne société en évangélisant leurs filles.
En attendant d’être majeure à 21 ans, Anne-Eugénie continue avec ardeur sa formation. Elle va vivre au couvent des Bénédictines de Paris, lit la Bible et de nombreux livres, prie beaucoup. Du 15 août 1838 au 4 avril 1839, l’abbé Combalot l’envoie à la Visitation de la Côte-Saint-André dans l’Isère, toujours pour continuer sa formation. C’est là qu’elle rencontre l’abbé Emmanuel d’Alzon qui sera plus tard le fondateur des religieux de l’Assomption en 1845.
Le 30 avril 1839, Anne-Eugénie et Anastasie, sa première compagne, commencent leur vie religieuse dans un petit appartement de la rue Férou à Paris. Le 5 août, une Irlandaise, Kate O'Neill, vient les rejoindre suivie de Joséphine le 5 octobre. Ce sont les débuts des religieuses de l’Assomption. Kate O’Neill sera le bras droit et l’amie indéfectible d’Anne-Eugénie pour mener à bien la nouvelle fondation. Comme l’affirme Anne-Eugénie :
Dieu a tout donné. Tout vient de Lui et doit Lui revenir. Jésus-Christ est notre Fondateur.
Peu de temps après, les quatre premières religieuses déménagent à la rue Vaugirard et le 14 août 1841, elles font leurs premiers vœux et prennent l’habit de couleur violette qui les a rendues célèbres. Anne-Eugénie devient Marie-Eugénie de Jésus, Kate sera Thérèse-Emmanuel et Anastasie Marie-Augustine.
L’adoration eucharistique et l’éducation.
La conviction de Marie-Eugénie de Jésus est que la prière et l’adoration sont nécessaires pour l’évangélisation qu’elles veulent mener dans la formation de leurs élèves. Pour elle aussi, l’éducation est le vecteur de transformation de la société. « Si nous arrivons, dit-elle, à donner aux filles des convictions profondes qui naissent de la connaissance intérieure de Jésus-Christ, elles transmettront ces convictions à leurs enfants qui auront des responsabilités dans la société de demain et pourront agir sur celle-ci. »
L’abbé Combalot n’a pas un caractère facile. Sa direction est fantasque et manque de mesure.
La rupture avec la jeune congrégation se fait aussi en 1841. Marie-Eugénie de Jésus bénéfice désormais du soutien du père d’Alzon qui devient son directeur spirituel. Leur amitié durera 40 ans.
Les premières années sont très dures. Il y a beaucoup de combats, de résistances, de critiques tant dans les milieux ecclésiaux qu’en dehors. Cela fait dire un jour à Marie-Eugénie : « leur cœur ne bat pour rien de large ».
Le 25 décembre 1844, Marie-Eugénie de Jésus et les premières sœurs font leur profession perpétuelle. À partir de 1854, les sœurs de l’Assomption se déploient dans le monde entier, d’abord en France puis en Angleterre, en Espagne, en Nouvelle-Calédonie, en Italie, aux Philippines, au Nicaragua, au Salvador…
Marie-Eugénie se donne sans compter. Elle voyage, elle administre, elle discerne, elle consulte, elle suit les constructions. Peu à peu, elle perd les personnes qui, autour d’elle, la soutiennent. L’abbé d’Alzon meurt en 1880. Sa chère sœur Thérèse-Emmanuel (Kate O’Neil) meurt à son tour en 1888. Marie-Eugénie comprend que Dieu la dépouille, comme elle l’avait annoncé déjà en 1854 :
Dieu veut que tout tombe autour de moi.
En 1894, Marie-Eugénie de Jésus renonce à sa charge de supérieure générale. Sa santé décline. Elle dit de sa vieillesse : « c’est un état où ne reste plus que l'amour » ou encore « Je n'ai plus qu'à être bonne ». En 1897, suite à un accident cérébral, elle est clouée au lit. Paralysée, elle ne peut plus parler qu’avec son regard. Elle offre sa vie dans l’amour et le silence. Le 10 mars 1898, elle rend son âme à Dieu à l’âge 81 ans.
Sainte Marie-Eugénie de Jésus a été une pionnière de l’éducation. Elle avait une confiance indéfectible dans l’humanité. Elle affirmait :
Il y a tant de beauté dans chaque être tel que Dieu l’a créé ; au fond de chacun Il a mis bonté, droiture, simplicité et vérité.
Tout son projet éducatif était de faire ressortir du cœur de ses élèves les dons que Jésus y avait déposés. Marie-Eugénie voulait offrir une formation humaine très solide à ses filles en mathématiques, en littérature, en géographie et en beaucoup d’autres choses pour en faire des femmes cultivées ; mais le plus important pour elle était de leur transmettre les valeurs de l’Évangile, convaincue que l’Évangile pouvait transformer la société et conduire au « règne social du Christ ». C’est pourquoi elle a dit :
Mon regard est tout en Jésus-Christ et en l’extension de son Règne.
Sainte Marie-Eugénie de Jésus a consacré toute sa vie à son unique amour : Jésus. Elle lui a tout donné. Elle disait :
Tout est de Jésus-Christ, tout appartient à Jésus-Christ, tout doit être pour Jésus-Christ.
Voilà le secret qu’elle nous livre pour que nous puissions à notre tour devenir des saints. Vous avez des doutes ? Sainte Marie-Eugénie de Jésus n’en a pas. Elle proclame :
« Dieu aime faire de grandes choses par de faibles moyens ! De là doit venir notre confiance. Car ce n’est pas pour demeurer dans la faiblesse que Dieu nous choisit ; non, l’amour et la confiance nous donneront la force de faire les œuvres qu’Il attend de nous, et elles ne sont pas petites ! »
Et la sainteté n’est pas une petite œuvre !
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