En 431 puis en 453, les conciles œcuméniques d’Ephèse puis de Chalcédoine vont mettre en évidence et en conflit deux approches dans la compréhension du Christ , qui aujourd’hui encore illustrent deux sensibilités chrétiennes légitimes :
L’approche de l’école d’Alexandrie va insister sur l’unicité du Christ et sur l’initiative de Dieu pour le salut de l’homme : c’est le Verbe de Dieu qui vient prendre chair volontairement.
L’approche de l’école d’Antioche, va insister sur la réalité de l’humanité du Christ, parfaitement Dieu et parfaitement homme : le Christ assume notre humanité totalement, âme et corps.
Cette approche est représentée éminemment par un grand théologien, Théodore de Mopsueste.
Sa vie
Théodore, évêque de Mopsueste, en Cilicie, appelé ordinairement Théodore de Mopsueste, d'Antioche, né à Antioche vers 350, mort en 428.
A dix-huit ans, il poursuit ses études dans l’établissement chrétien de Diodore de Tarse (l’askétirion), avec Jean Chrysostome et Maxime de Séleucie.
Il est baptisé, puis revient auprès de Diodore de Tarse. Il est ordonné prêtre de l'Église d'Antioche en 383 à trente-trois ans. Il reste à Tarse, auprès de Diodore. Théodore est consacré évêque de Mopsueste, ville à côté de Tarse, en 392. Il meurt en 428.
L'orthodoxie de Théodore ne fut l'objet d'aucune suspicion formelle, pendant sa vie. Après sa mort, cette vénération allait croissant dans les Églises de Syrie.
Cependant un africain proche d’Augustin d’Hippone, traducteur du grec en latin, Marius Mercator, dès 431, dénonça Théodore de Mopsueste comme un des inspirateurs de l'hérésie pélagienne, condamnée au concile de Carthage en 418. Pour faire court, Pélage estimait que la liberté de l’homme reste entière malgré le péché d’Adam, et que l’homme peut se sauver par un libre choix, minimisant le rôle de la grâce de Dieu.
Puis, Marius Mercator étendit l'accusation, en faisant valoir la filiation spirituelle entre Théodore et Nestorius, évêque de Constantinople. Nestorius considérait que le Christ était une conjonction de 2 personnes distinctes, une personne humaine et une personne divine. Cette position a été condamnée par le concile d’Ephèse en 431. Sans que ce concile d'Ephèse n'ait jamais mis en cause Théodore.
Les partisans de Nestorius se retranchèrent alors derrière les écrits de Théodore et les firent grandement circuler. Dès lors, ses adversaires dirigèrent contre eux d'incessantes attaques.
En 553, cette longue entreprise de haine aboutit à la condamnation de Théodore par le 5ème concile œcuménique, sur la base de textes tronqués et falsifiés, plus de deux cent ans après Théodore.
Œuvres
Théodore de Mopsueste fut un auteur prodigieusement fécond. On dit que le seul nombre de ses écrits polémiques dépasse 10 000. On possède un catalogue de ses ouvrages traduits en syriaque : l'ensemble de ces traductions formait 41 tomes. Malheureusement, la plupart des écrits originaux sont perdus.
La condamnation de Théodore en 553 fut suivie d’une destruction de ses œuvres ordonnée par l’empereur Justinien. La plupart des œuvres qui nous restent viennent de traductions syriaques conservées par l’église de Perse.
L’église syrienne orientale
Cette église considère encore aujourd’hui Théodore de Mopsueste comme le grand Interprète de l’Evangile, avec les autres pères de l’école d’Antioche.
Elle ne reconnait que les 2 conciles œcuméniques de Nicée et de Constantinople, et rejette les conciles d'Ephèse et de Chalcédoine.
Selon la tradition, cette église de l’Orient aurait été fondée par les apôtres Barthelémy et Thomas, puis développée par les apôtres Addai/Thaddée/Jude et Mari (des 72 disciples), à partir d’Edesse et de Ninive puis en Perse et en Inde.
Les Perses sassanides se méfient des chrétiens qu’ils perçoivent comme dépendants de l’empire romain et engagent de cruelles persécutions, d’autant que le christianisme va être toléré puis imposé dans l’empire romain.
En 410, après la période de persécution, l'Église de Perse se réorganise et en 424, au concile de Mar Kabtha, elle se détache du Patriarcat d'Antioche et décrète son autonomie canonique absolue.
Après la condamnation de Nestorius, le patriarche de Constantinople, par le concile d’Ephèse, l'Église de Perse, qui n'était pas représentée au concile, n'en reconnaît pas les conclusions. En 484, lors du concile de Beth Lapat, l'Église de Perse confirme son adhésion à l'enseignement théologique de Théodore de Mopsueste.
Comme l’Eglise d’Arménie, elle a été victime de la pression musulmane, des massacres de la fin du XIXème et du XXème siècle, et enfin de l’émigration des chrétiens d’Orient dans les dernières décennies.
Ce que Théodore dit du Christ
Toute sa christologie peut être résumée par ces deux expressions : «Le Verbe assumant » et « l’être humain assumé ». La pensée de Théodore reste parfaitement orthodoxe :
« Christ notre Seigneur... n'est ni seulement Dieu, ni seulement homme, mais il est par nature véritablement les deux, c'est-à-dire Dieu et homme à la fois. Il est Dieu le Verbe qui a assumé, mais il est aussi l'homme qui a été assumé (1)... »
La liberté humaine est de toute première importance pour Théodore. Dieu assume l’homme jusqu’à la mort, et l’homme Jésus est resté uni à Dieu jusqu’au bout.
Comme Jean Chrysostome, Théodore ne situe pas la tendance au péché dans la nature, mais dans la volonté de l’être humain. Il ouvre ainsi un espace de liberté à l’intérieur duquel la volonté humaine peut collaborer avec la grâce divine. Avec tous les Pères orientaux de son temps, Théodore est d’un optimisme affirmé par rapport à la création, inconciliable avec le pessimisme lié au péché originel augustinien.
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