Thérèse de Lisieux, est l'une des mystiques françaises les plus connues dans le monde. Pourtant, à bien des égards elle reste un mystère, ou plutôt, le caractère moderne, surtout intemporel de sa spiritualité est sans cesse à redécouvrir.
Thérèse Martin est née il y a 150 ans. Elle a été béatifiée en 1923, puis canonisée en 1925. Le pape Jean-Paul II l’a proclamée docteur de l’Église en 1997. Cette jeune femme, morte à 24 ans, est l’une des plus grandes mystiques françaises. Son rayonnement dépasse largement les frontières hexagonales. Pourtant, à bien des égards elle reste un mystère, ou plutôt, le caractère moderne, surtout intemporel de sa spiritualité est sans cesse à redécouvrir. En 2023, à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de sa naissance, RCF consacrait sa série Halte Spirituelle à cette grande figure spirituelle qui reste un mystère. Sœur Marie Guillaumin, Sœur Catherine de Coster, religieuses de la congrégation du carmel Saint-Joseph, dressent le portrait de "la petite Thérèse".
Les problèmes psychiques ont marqué la famille Martin. Après le départ de sa fille Thérèse pour le carmel à l’âge de 15 ans, le père, Louis Martin, a été interné durant trois ans pour maladie psychique. Thérèse elle-même a connu plusieurs déchirures. Elle a perdu sa mère quand elle avait quatre ans, et l’entrée au carmel de sa sœur Pauline, sa mère de substitution a été une autre déchirure. "Les dysfonctionnements psychiques, les dérapages, ça fait partie de nos réalités humaines, souligne Sœur Marie Guillaumin, et c’est là que le message de Thérèse est intéressant, c’est qu’elle vient nous rejoindre dans la complexité de nos problématiques humaines."
Cette souffrance psychique, on a souvent du mal à y croire quand on lit les textes de Thérèse de Lisieux. On évoque souvent en effet le caractère très fleuri de son écriture. "Son langage bridé de petites fleurs qui peut à la première lecture paraître tout à fait mièvre", convient Sœur Catherine de Coster. "Moi c’est quand j’ai commencé à la travailler que j’ai commencé à découvrir que c’était un chemin incroyable d’incarnation, de vérité, de détermination… Il n’y a rien de mièvre chez Thérèse !"
Thérèse choisit de ne plus se complaire dans sa souffrance... Elle ne va pas fuir sa souffrance, elle va toujours la lire, la relire, mais elle va choisir d’être une vivante même si elle souffre
De nature hypersensible, Thérèse a vécu, au soir de Noël 1886, "une grâce qui l’a fait entrer à l’âge adulte", raconte Sœur Catherine de Coster. Elle allait avoir quatorze ans. Ce soir-là, elle a entendu son père dire : "Heureusement que c’est la dernière fois..." Il signifiait vraisemblablement que sa dernière fille était grande et que désormais il n’y aurait plus de cadeaux de Noël. Heurtée, la jeune fille est montée dans sa chambre pour ne pas éclater en sanglots. Puis elle est redescendue retrouver son père et ses sœurs.
Cet "événement banal" souligne Sœur Catherine de Coster a été pour Thérèse "un moment de retournement de sa vie". Elle a découvert que "la charité était entrée en elle" selon ses propres mots. Aujourd’hui on parlerait d’une forme de résilience. "Thérèse choisit de ne plus se complaire dans sa souffrance. Elle choisit de vivre sa souffrance dans tout son éclat, elle ne va pas fuir sa souffrance, elle va toujours la lire, la relire, mais elle va choisir d’être une vivante même si elle souffre." Pour la religieuse, c’est "une détermination" qui est "de l’ordre de la foi, la foi en Jésus, qui la fait passer au-dessus d’elle-même. Cette sortie du narcissisme va l’ouvrir."
Thérèse a souvent parlé de son désir de "sauver les âmes". Une expression que l’on a du mal à admettre aujourd’hui. "Il ne faudrait plus l’exprimer ainsi aujourd’hui, reconnaît Sœur Marie Guillaumin, le concile Vatican II nous a appris à l’exprimer autrement. On sait très bien que tout homme de bonne volonté a sa place et on n’est plus dans quelque chose de binaire : baptisé / non baptisé et il faut absolument baptiser tous les hérétiques… C’est fini cette période-là !" Pour Thérèse, cela signifiait simplement que Jésus était son unique amour. Et qu'elle ne désirait que ce "cœur à cœur avec le Seigneur" puisse "contaminer le monde entier".
C'est ce désir qui la pousse à prier ardemment pour les prêtres. Lors de son voyage à Rome, en 1887, Thérèse a rencontré plusieurs prêtres, dont certains l’ont surpris par leur comportement. "C’est un tournant pour Thérèse, raconte Sœur Marie Guillaumin, elle va entrer au carmel pour sauver les âmes et surtout pour prier pour les prêtres. Elle n’a plus aucune illusion sur ces hommes qui ne sont pas des anges !" Prier pour les prêtres, dans l’esprit de Thérèse, ce n’est pas tant prier pour les prêtres eux-mêmes mais pour toucher les gens autour des prêtres. "Ce n’est pas pour le prêtre lui-même mais pour sa fonction sacerdotale, et ça c’est très, très important chez Thérèse, elle se rend compte qu’il y en a beaucoup qui ne sont pas assez saints et par leur manière de célébrer, leur manière d’être prêtre elle peut toucher un maximum de personnes."
À une époque où l'on parle souvent dans l'Église du cléricalisme et de la nécessité d'en sortir, le regard de sainte Thérèse sur les prêtres semble particulièrement moderne. Pour Thérèse, le manque d’humilité était la pire menace pour les clercs. "Thérèse a vu la fragilité et la faiblesse des prêtres", nous dit Sœur Marie Guillaumin. Si elle savait que cela n'était pas possible, la jeune carmélite a toujours dit qu'elle avait le désir d’être être prêtre elle-même - "elle le dit et elle le redira jusqu’aux derniers mois de sa vie", assure Sœur Marie Guillaumin. Évidemment, Thérèse était tout à fait consciente que cela n’était pas possible ! "Ce que Thérèse désire, c’est porter dans ses mains le Christ, c’est pouvoir prêcher."
Halte Spirituelle est une émission de radio animée par Madeleine Vatel et Véronique Alzieu et diffusée quotidiennement sur RCF. Des entretiens où l'on puise dans l'expérience chrétienne pour engager une réflexion spirituelle aussi profonde qu'accessible. L'émission de référence de RCF !
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