"Tout ce qui nous manque c'est la sensation qu'on nous attend." Voici une réplique du film "Les Affamés", sorti ce mercredi en salles, qui résume assez bien le propos de Léa Frédeval. Louane Emera, François Deblock ou encore Nina Melo incarnent une génération oubliée de notre société. Des jeunes displômés à qui on répète que c'est la crise et que pour eux tout sera compliqué. Dans un monde où rêver n'est plus permis, le film montre une jeunesse inventive, dynamique, solidaire et décidée à bâtir la société de demain. Il faudra bien qu'un jour on les entende.
SYNODE | En 2018, l'Église donne la parole aux jeunes - Du 3 au 28 octobre 2018, un synode des évêques se déroulera à Rome sur le thème: "Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel". Pour éveiller l'intérêt des jeunes et sonder leurs attentes, RCF fait un tour de France des mouvements, aumôneries et associations en lien avec la jeunesse. Chaque mois, l'émission QUITTE TON CANAP' leur donne la parole, ainsi qu'à leurs évêques et aux responsables des pastorales des jeunes dans les diocèses.
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En 2014 Léa Frédeval publiait à 22 ans son premier livre, "Les Affamés - Chroniques d'une jeunesse qui ne lâche rien" (éd. Bayard). La jeune femme en était alors à "sa troisième fac", "sans aucune idée de ce qu'elle allait faire après". Son diplôme en Sciences de l'information et de la communication spécialisation médias" ne reflète en rien les multiples cursus qu'elle a suivis à l'université. Ce n'est pas non plus le sésame qui va lui ouvrir les portes de la vie professionnelle - et elle "ne compte plus" les petits boulots. "En fait le chômage je pense dans notre pays il est pour ceux qui demandent un travail à la hauteur de leurs compétences. Par contre si on veut juste être payé 7 euros de l'heure et nettoyer des toilettes il y a plein de travail !"
Ce n'est ni pour parler du chômage des jeunes ni pour être le porte-parole d'une génération que Léa Frédeval a ouvert son blog. Juste pour dire sa réalité : avoir suivi le parcours que la société lui a demandé de suivre - baccalauréat, études supérieures... - et connaître la précarité. "Je vis dans la cinquième puissance mondiale j'ai fait tout ce qu'il fallait et pourtant je ne me sens quand même méprisée pas considérée, je vis mal, je galère à remplir mon frigo, comment ça se fait ?" En créant un blog la jeune femme était loin de soupçonner qu'on lui proposerait d'en faire un livre, et que deux producteurs - des trentennaires - auraient l'idée d'en faire un film.
Une jeunesse qui est ni tout à fait étudiante ni insérée professionnellement, qui n'a pas assez travaillé pour avoir droit au chômage et pas assez âgée pour avoir droit au RSA. Léa Frédeval raconte un quotidien où il faut courir entre la fac, les petits boulots, les CDD, les diplômes, la vie en colocation. On est jeune longtemps dans une société qui peine à faire de la place aux nouveaux diplômés.
Le sociologue parle d'une "vraie négation sociale". Auteur de "Quand on n'a «que» le diplôme... Les jeunes diplômés et l'insertion professionnelle" (éd. PUF), Romain Delès décrit une jeunesse "globalement soumise à un impératif d'insertion professionnelle, d'entrée dans la vie" et qui "en même temps" ne bénéficie d'"absolument aucune reconnaissance institutionnelle". Avec un paradoxe : celui d'une "réalité très largement partagée et en même temps peu reconnue institutionnellement".
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Sur son blog, Léa Frédeval racontait son âge, mais aussi le fait d'être une femme, "de vivre à Paris, elle parlait de la famille, "qui a littéralement changé ces 30 dernières années, de la sexualité, du rapport à la drogue, à l'alcool, à l'amitié, à l'avenir, à la politique". Le récit d'une génération et l'état des lieux d'un problème sociétal : "On a l'impression que ce problème-là est presque générationnel alors qu'il se situe dans les structures de l'emploi et dans la manière dont sont organisées au préalable les scolarités et les études supérieures." En France, le marché du travail est "segmenté", avec d'un côté "les indétrônables CDI" et de l'autre des formes d'emplois précaires "sur lesquels on reporte toute la flexibilité nécessaire du marché du travail", précise le sociologue.
Dans un contexte de crise économique, le monde de l'entreprise est presque divisé en deux : d'un côté des salariés qui ont peur de perdre leur travail - passé 50 on sait ce que cela signifie pour beaucoup - et de l'autre des stagiaires qui font tout pour décrocher un travail. "On ne fabrique pas de connection entre les générations, on a du mal à travailler ensemble", témoigne la réalisatrice des "Affamés".
Et s'il suffisait de retisser un lien ? Un rapport de confiance ? "Finalement un jeune qui a confiance, qui croit en lui c'est un jeune qui peut réussir", constate Jocelyne Ribière des Apprentis d'Auteuil, qui accueille, forme et insère depuis 150 ans des jeunes en difficulté sociale familiale ou scolaire. "La confiance, répond Léa Frédeval, c'est exactement ce dont on a besoin et c'est exactement ce que la société ne nous donne pas : la confiance en nous, l'estime de nous-mêmes."
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