La littérature se nourrit souvent d’elle-même. Les écrivains sont irrésistiblement tentés d’écrire… sur leur écriture. Et l’exercice peut donner d’excellents livres, surtout quand il y a ce qu’il faut de distance – voire de dérision. C’est ce que réussit avec talent et un bonne dose de poésie Emmanuel Godo, fin connaisseur de la littérature, poète, essayiste, romancier. Dans son livre, présenté tel un journal, il « analyse » comment il a été saisi par ce démon que peut devenir l’écriture, jusqu’à ne vivre plus que pour son « œuvre » à venir, œuvre bien sûr inégalable, grandiose, qui pourra enfin dire au monde ce qu’est vraiment LA littérature. Mais à force de manuscrits refusés, de brouillons déchirés, d’histoires inachevées, l’écrivain finit par retenir la leçon : « ils ont compris, plus vite et plus tôt que moi qu’une vie n’a pas besoin de se sauver avec ces choses qu’on appelle des œuvres ou des livres ».
Difficile aussi de devenir écrivain quand on a lu les grands auteurs : on ne tient pas la comparaison ! Et c’est ce qu’Emmanuel Godo appelle la « seconde vie », une fois l’ambition revenue à une juste mesure, quand survient « la vie de l’écriture silencieuse, faite en soi, sans autre moyen que l’écoute du va-et-vient des phrases, des fragments d’œuvres sans destination »… Alors, vous le disiez, la fréquentation des œuvres littéraires changent la vie… Et voilà les ombres et les fantômes qui viennent habiter l’esprit du narrateur. Alors, seulement, comme le confie Emmanuel Godo sans attendre : « les livres permettent de s’approcher plus près qu’il n’est permis des étoiles et des vivants ». C’est joli !
Un livre qui est un peu comme une profession de foi en la littérature. Tout à fait, une manière drôle, émouvante, parfois déroutante, d’évoquer l’écriture, et cette magie du texte, de la langue, qui nous ouvre des mondes insoupçonnés. Un livre touchant, publié par une belle petite maison d’édition qui a pour vocation d’inviter les auteurs à « un pas de côté ». Et puis comme je vous parle d’écriture, allez, quelques conseils d’un des plus grands auteurs irlandais contemporains. Colum McCann a écrit des « lettres à un jeune auteur » : 150 pages de conseils mi-sérieux, mi-amusé, à l’écrivain débutant pour lui expliquer comment « façonner la vérité ». Alors, pourquoi pas vous ? Des écrivains, il en faut. Parce que, comme le confie Godo, « La parole des écrivains agit comme une épice, un poivre ou un sel qui viennent relever la saveur de l’ordinaire ».
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