Si vous interrogez les jeunes générations sur leur avenir professionnel, beaucoup disent vouloir un job qui ait du sens. Ils veulent de l'autonomie et aussi de la solidarité, ils veulent des voyages et continuer à apprendre. Quid de l’appât du gain et de la compétition, avancés comme principaux moteurs de l’activité professionnelle fin XXè siècle? Ce changement de paradigme, qui n'est pas une "petite mais une grande révolution", selon Monique Dagnaud, est la conséquence de l'apparition d'internet, il y a environ 50 ans, en Californie. Il a donné naissance à ce que la sociologue appelle "le modèle californien", qui est aussi le titre de son essai publié en mai 2016 (éd. Odile Jacob).
Le modèle californien repose sur trois principes: le "free", soit l'extension du pouvoir de l'individu ; le "free speech", ou la liberté d'expression et de communication ; le "free of charge", c'est-à-dire la gratuité. La crise financière de 2008 a encouragé le développement d'une économie collaborative. Ce que Monique Dagnaud observe comme "une projection imaginaire autour du collaboratif arrivée à maturation aujourd'hui".
Depuis plus de 15 ans, ils grandissent avec les réseaux sociaux. Aujourd'hui quasiment tous les jeunes ou presque ont un - souvent plusieurs - comptes sur les réseaux sociaux. Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram... Pour Monique Dagnaud, "c'est aujourd'hui que l'on voit les fruits [d'une] révolution qui a maintenant 40 / 50 ans". Les jeunes générations "ont appris à interacter, à faire des choses avec les autres à partir de ces réseaux", explique la sociologue.
Des jeunes qui végètent seuls devant leur écran? Contrairement à ce que beaucoup disent, Monique Dagnaud observe un phénomène qui "n'a cessé de se développer", dit-elle: "la sociabilité de la jeunesse". Et ce qu'elle place au centre de son étude, c'est le concept de "réciprocité créatrice". Les jeunes connectés cultivent l'idée que c'est auprès des autres que l'on peut à tout moment s'épanouir, et que l'on peut trouver de l'énergie auprès des autres. C'est "la partie utopique non marchande" de l'économie collaborative.
"C'est vrai qu'ils passent beaucoup de temps devant les écrans: pour une grande partie de la jeunesse, ces écrans sont plutôt un relais et un prolongement de la vie réelle." Pour la sociologue, les études ont montré que les jeunes ont beau être très connectés, "ils savent que c'est dans les relations de face-à-face que l'on s'épanouit".
Émission enregistrée en juin 2016
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