Piaf, de la Môme à Edith
Laissez-moi adopter le style de Stendhal pour vous dire que Madame Edith Piaf a du génie. Elle est inimitable. Il n'y a jamais eu d’Edith Piaf, il n'y en aura plus jamais. Elle est une étoile qui se dévore dans la solitude nocturne du ciel de France. C'est elle que contemplent les couples enlacés qui savent encore aimer, souffrir et mourir. Regardez cette petite personne dont les mains sont celles du lézard des ruines. Regardez son front de Bonaparte, ses yeux d'aveugle qui vient de retrouver la vue. Comment chantera-t-elle, comment s'exprimera t’elle, comment sortira-t-elle de sa poitrine étroite, les grandes plaintes de la nuit. Et voilà qu'une voix sortant de ses entrailles déroule une haute vague de velours noire. Cette vague chaude nous submerge, nous traverse, pénètre en nous et le tour est joué. Elle se dépasse, elle dépasse ses chansons, elle en dépasse la musique et les paroles, elle nous dépasse. L'âme de la rue pénètre dans toutes les chambres de la ville. Ce n'est plus Madame Édith Piaf qui chante, c'est la pluie qui tombe, c'est le vent qui souffle, c'est le clair de lune qui met sa nappe. Jean Cocteau. 1946.
Episodes
- Édith Piaf face à son public, sous les feux d'un unique projecteur éclairant son visage, son front de Bonaparte, comme disait Jean Cocteau. Et puis ses mains, ses mains dans le prolongement de sa voix, dans le prolongement de son souffle, ses mains dessinant dans l'espace un mot, une phrase, avec une telle économie de moyens, une telle science du geste. La voix de Piaf sera étudiée, analysée. On ira même jusqu'à faire des thèses universitaires afin de tenter d'expliquer ce miracle. Piaf, c'est avant tout un timbre, une projection. N'oublions pas qu'elle commencera à chanter dans la rue, à ciel ouvert. Il lui faudra donc envoyer son chant, le projeter le plus loin possible, afin qu'il puisse monter jusqu'aux étages.Droits image: photo Philippe Soler
- Aujourd'hui, je vous raconte l’histoire de quelques grands titres du répertoire de Piaf, de ces quelques mélodies et refrains restées à tout jamais ancrés dans notre mémoire. Saviez-vous qu’Édith Piaf ne pourra jamais signer la musique de « La vie en rose » parce qu'elle n'était pas encore affiliée à la société des auteurs compositeurs ? Saviez-vous que Marguerite Monnot trouvera l’inspiration de « L’hymne à l’amour » dans un lied de Robert Schumann ? Saviez-vous que « La foule » est une valse péruvienne dont Piaf achètera les droits lors d’une tournée en Argentine ? Édith Piaf bouleversera tout sur son passage, du populo aux esthètes, en passant les intellectuels. Elle les envoutera tous.Droits image: photo Philippe Soler
- Édith Piaf ne vivait qu’à travers son art. Dotée d'une intelligence intuitive assez rare, elle pressentait les choses beaucoup mieux que personne. Sur sa route elle croisera bon nombre d'hommes. Parfaite dans son rôle de Pygmalion, amours et métier se mêleront. Elle façonnera quelques grands noms à venir de la chanson française, donnant par là même du grain à moudre à la presse à scandale. Mais peu importe, ce qui comptera, c'est qu'un jour ait pu briller, en lettres majuscules sur une affiche, les noms d’Yves Montand, des Compagnons de la Chanson, de Gilbert Bécaud et bien évidemment, celui de l'immense Charles Aznavour.Droits image: photo Philippe Soler
- Édith Piaf occupera une place unique, une place à part dans le monde de la chanson française, des années 1930 aux années 1960. On se doit de la considérer comme l'aboutissement de ce que l'on appelait la chanson réaliste, et dont on ira chercher l'origine chez des chanteuses comme Damia, Fréhel, Marianne Oswald, ces pierreuses qui nous débitaient inlassablement la douleur des femmes, en mode mélodramatique, avec une manière bien particulière de déclamer. Piaf de son côté chantera en utilisant un vibrato d'une puissance telle, qu'elle en arrivera à déclencher des phénomènes émotionnels comme rarement une artiste les provoquera. Cette première émission retrace le parcours de la Môme, de la rue à la scène, de Louis Leplée à Michel Emer en passant par Raymond Asso, des années 1935 à 1946.Droits image: photo Philippe Soler
- Cette deuxième émission sera consacrée à la découverte, ou à la redécouverte c’est selon, de quelques titres essentiels du répertoire de Piaf, des titres qui ne seront pas ancrés dans la mémoire collective de manière aussi forte que « La vie en rose » ou « La foule », mais des titres qui auront cette portée, cette projection indissociable du personnage de Piaf, des petites scènes de théâtre qui lui colleront à la peau. Les auteurs compositeurs écriront spécifiquement pour elle, en projetant, en visualisant ce qu'elle pourra faire d'un texte, d’une musique sur le plan scénique, et la moindre chanson deviendra dès lors, à travers sa gorge, un monument. Vous souvenez vous de « Salle d’attente » ou des « Grognards » ?Droits image: photo Philippe Soler
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