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"Grâce à Dieu" de François Ozon

RCF,  - Modifié le 20 février 2019
Retrouvez chaque mercredi la chronique cinéma de Valérie de Marnhac.

on va parler aujourd’hui de "Grâce à Dieu", de François Ozon, parce qu’il apporte un éclairage cinématographique nouveau à la question des abus sexuels dans l’Eglise. Le film revient sur l’affaire Preynat et sur le déroulement des faits à partir de 2005. Ce jour-là, Alexandre, marié et père de famille nombreuse, découvre que le prêtre qui l’a abusé sexuellement quand il était jeune scout, est toujours en contact avec des enfants. Et il décide de réagir.

Ce qui a retenu l’intérêt de François Ozon, c’est l’histoire de "La Parole libérée", l’association qu’Alexandre va créer avec d’autres victimes. Le réalisateur se place donc délibérément de leur côté et il s’intéresse à leurs parcours et à leurs démarches. Il les a longuement rencontrés ainsi que leur entourage et il a écrit son scénario à partir de leurs témoignages.

Le film relate relate de manière très sobre, très pudique, quasi-documentaire les étapes successives de l’affaire. Pour les victimes devenues adultes, leur objectif commun est de faire entendre leur souffrance et d’éviter que cela se reproduise. A part quelques flash-backs suggestifs, on ne voit rien des actes criminels. Mais on devine par contre la confusion chez les enfants. Certains disent même avoir été fiers d’être "choisis" !

Ce qui frappe c’est la diversité des profils des victimes et la manière dont François Ozon les filme. Alexandre fait partie de la bourgeoisie lyonnaise, il est toujours croyant et il est filmé en clair-obscur, à l’image du combat spirituel qu’il traverse. Puis arrive François, qui est devenu athée et qui est plus dans le combat. Le film devient alors un film d’action. Et enfin Emmanuel, plus jeune, plus à fleur de peau, qui arrive au bout d’1h30 de film et qui apporte une dimension plus sensible et plus dramatique.

Le film n'est pas à charge contre l'Eglise. Il décortique avec beaucoup de finesse et de virtuosité toute une chaine de responsabilités. En premier lieu, la hiérarchie de l’institution, par l’absence ou du moins la lenteur de ses réactions. Mais les parents aussi, et les familles, avec leurs difficultés à entendre la parole des enfants.  

Et le sujet a failli être interdit de sortie, le sujet est sensible. Mais la justice a estimé suffisant de rappeler la présomption d’innocence du père Preynat à la fin du film. Ainsi, le cinéma participe de cette prise de conscience qui est reconnue comme nécessaire par l’Eglise aujourd’hui. Et puis, on pouvait objectivement craindre le traitement d’un tel sujet par François Ozon, qui s’est souvent intéressé à l’aspect ambigu voire pervers de la nature humaine. Mais il a trouvé ici le ton juste et vient de recevoir pour "Grace à Dieu" le Grand Prix du Jury au Festival de Berlin.
 

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