En juillet dernier, j’ai eu l’occasion de rencontrer les parents d’Evaëlle, 11ans, qui avait mis fin à ses jours quelques semaines plus tôt, victime de harcèlement scolaire. C’est autour d’un arbre que sa tribu scoute a planté à Jambville que je les ai écoutés raconter quelle jeune fille joyeuse et douce elle était, fauchée en pleine enfance par la cruauté terrible dont les enfants sont capables, dont un système, scolaire et extra-scolaire, a parfois du mal à se saisir. On ne ressort pas indemne de ce type de rencontre, parce qu’on imagine ses propres enfants, sa propre réaction face à la détresse de la chair de sa chair qui devrait passer son temps à rire et à s’amuser dans la cour de récré, l’insouciance aux lèvres et le cœur léger plutôt que de craindre plus que tout de rejoindre l’école et la violence qu’ils subissent.
En 2017, 5,6 % des collégiens se déclarent être victimes de plusieurs formes de harcélement et 1 élève sur 5 subit des cyberviolences au lycée, ce sont pourtant des chiffres en baisse. Il me semble important de reconnaître que l’école s’est réellement emparée du sujet et qu’il y a une vraie continuité de la politique contre le harcèlement. Le tout accompagné d’un arsenal juridique avec la loi contre le harcèlement de 2013 et l’amendement de la loi Confiance Ecole de 2019.
Mais on sait bien que ce qui fera la différence ne tient pas dans les articles de loi mais dans la prévention qui pourra être faite et l’espace qui pourra être laissé pour que les enfants puissent s’exprimer et les acteurs éducatifs agir. L’école n’est ni l’unique responsable ni l’unique solution. Le harcèlement ne commence ni ne s’arrête à la porte de l’école. Il a à voir avec nos vies quotidiennes, avec la société que nous créons, à laquelle nous contribuons tous. Il a à voir avec les violences politiques qui ne nous choquent parfois plus, avec l’utilisation des réseaux sociaux que nous plébiscitions et alimentons. Il ne s’agit pas de mettre en place de la prévention si dans nos fonctionnements quotidiens, entre adultes, nous cultivons la violence verbale, la relation « contre » l’autre.
Tout le monde doit s’impliquer et prendre les responsabilités de ses propres actions, valeurs et attitudes. Nos réactions face au harcèlement ne sont parfois que le reflet des contradictions d'une société qui prône tant la fraternité que la compétitivité, qui réclame du commun et dans le même temps une individualisation à outrance, tant l'égal accès que le mérite, tant le respect de chacun que la performance.
Une société en tous les cas qui cherche à encourager les relations saines et bienveillantes, qui développe l’empathie chez les enfants, cultive les systèmes de médiation et de partage des émotions sans les trahir, les déformer ou les juger. Une société qui donne confiance à ses enfants pour que leur singularité ne soit pas vécue pour une anormalité mais comme une chance de construire de belles personnalités.
Alors pour Evaëlle et pour tous ces enfants qui ne sont plus là pour regarder d’en bas les étoiles, c’est la parole de la Toussaint qui me vient en tête : «Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise ! Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés ! Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde ! Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu!
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