Vous avez reçu la semaine dernière Hugo Micheron, auteur d’un livre sur l’islamisme en France (le Jihadisme français, quartier, Syrie, prison), et ce livre est sorti en même temps qu’un autre ouvrage sur le même sujet, Les Territoires conquis de l’islamisme, sous la direction de Bernard Rougier.
Ces deux livres sont significatif du nouveau regard des universitaires sur l’islamisme en France. Ces chercheurs dessinent ainsi une inquiétante géographie de l’islamisme, à partir de ce qu’ils appellent des « entrepreneurs religieux », qui font un travail d’endoctrinement spirituel sur le territoire, favorisant des « écosystèmes islamistes », dont sont sortis la plupart des terroristes.
C’est nouveau, car les universitaires, marqués par la laïcité française, ont longtemps renâclé à étudier le phénomène religieux en lui-même, avec la crainte d’une stigmatisation de l’islam. La tuerie de Charlie Hebdo et celle de l’Hyper Cacher en 2015 ont permis une prise de conscience, avec l’investissement de nombreux étudiants chercheurs, arabisant et dotés de solides connaissances sur le Coran, dans les quartiers français.
Le tabou religieux est tombé: le rôle de la mobilisation religieuse dans la radicalisation d’un certain nombre de jeunes Français n’est plus nié. Alors que trop longtemps, on a cherché les explications à l’islamisme ailleurs: on invoquait la pauvreté, le chômage, la crise identitaire, l’humiliation des anciens colonisés. Tout était bon, tant il semblait impossible, pour nombre d’esprits bien constitués en France, d’envisager que la religion puisse ainsi devenir le moteur d’une action collective.
Il n’y a pas que les universitaires qui ont mis du temps. Côté catholique, pour des raisons diamétralement opposées, ce fut un peu la même chose pour analyser l’islamisme. Il est difficile, pour un croyant, d’accepter l’idée que le radicalisme religieux puisse être néfaste. On peut être radical et devenir ermite. Mais on peut aussi tuer les autres au nom de sa foi.
Là aussi, cela nécessite un gros travail de connaissance des divers courants religieux, de leurs différences, et aussi des « transferts » possibles de l’un à l’autre. Les catholiques engagés dans le dialogue avec les musulmans se sont parfois retranchés dans un « cela n’a rien à voir avec l’islam ». Il est au contraire nécessaire de dire que « cela » a à voir avec l’islam. Et que c’est précisément la raison pour laquelle l’islam est en danger
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