A quoi servent les prisons ? Faut-il des prisons ? … Adolescent, j’avais été profondément marqué par les paroles de Jésus dans l’Evangile de Mathieu : « j'étais en prison, et vous êtes venu auprès de moi » puis par la lecture du livre du pète Guy Gilbert « des jeunes y entrent, des fauves en sortent » qui décrit la destruction des jeunes par le milieu carcéral, et il se trouve qu’on a appris il y a deux jours que l’association le Génépi allait perdre sa convention avec l’administration pénitentiaire et c’est une très mauvaise nouvelle pour tout le monde, le prétexte étant la modification de ses statuts il y a 7 ans.
Qu’est-ce que c’est le Génépi ?
C’est une association étudiante d’éducation populaire qui intervient en milieu carcéral pour y assurer des activités, du lien social … Je ne vais pas commenter ce qui fait son projet politique propre qu’on peut apprécier ou pas, mais il n’empêche que c’est une voix indispensable par sa spécificité : une association gérée par des jeunes étudiants bénévoles qui permet aussi à ces étudiants de se former sur le monde carcéral, de témoigner de sa réalité, laquelle hélas ne s’arrange pas. On reproche au génépi d’avoir fait évoluer son objet il y a 7 ans, mais l’Etat aussi a évolué notamment dans sa conception de ce que peut être la « réinsertion ».
Plus largement, avec la réduction du nombre de fonctionnaires depuis plusieurs années, l’Etat délègue de plus en plus aux associations le travail de l’administration. On passe d’une situation de partenariat à une situation de prestataire pour l’Etat. Quasiment toutes les associations d’éducation populaire font face à ce glissement, et en mettant le doigt dans l’engrenage, on perd sa liberté de parole. Le génépi a refusé de la perdre et se retrouve aujourd’hui financièrement et politiquement sanctionné.
Et pourtant, s’il y a bien un endroit qui a besoin d’éducation populaire, c’est la prison. L’éducation, c’est tout au long de la vie, elle permet de s’émanciper. L’éducation, c’est mettre en œuvre les situations qui permettent aux individus de s’autonomiser, de prendre confiance, de trouver de la dignité. Même si on a un regard uniquement utilitariste, la société a besoin que les personnes incarcérées puissent bénéficier de l’éducation populaire.
Et le scoutisme notamment sait le faire. Au Niger et en Ouganda notamment. En Ouganda, les scouts ont même créé des groupes… dans les prisons pour mineurs ! Le retour à la liberté peut être aussi compliqué que l’incarcération. Beaucoup ressortent sans rien, sans argent, sans travail, sans réseau et avec la réputation de criminel. Par le scoutisme, ils peuvent apprendre la couture, la fabrication du savon ou la prise de responsabilité. Et surtout on a porté sur eux un regard optimiste et bienveillant. Sur les 4500 qui sont devenus scouts en prison, seuls 5% sont retombés dans la délinquance. Alors oui, il est fondamental que l’éducation populaire reste en prison.
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