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​La mère courage
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​La mère courage

RCF,  -  Modifié le 26 octobre 2018
Chaque vendredi David Groison vous parle d'une photographie marquante.
The Dorothea Lange Collection, the Oakland Museum of California, City of Oakland. Gift of Paul S. Taylor The Dorothea Lange Collection, the Oakland Museum of California, City of Oakland. Gift of Paul S. Taylor

David, cette semaine, vous vous arrêtez sur une photo très connue. Un portrait réalisé par la photographe Dorothea Lange. Une grande rétrospective sur son travail a démarré le 16 octobre, au Jeu de Paume, à Paris.

Oui. Dorotha Lange, c’est l’auteure de cette photo iconique de 1936 : la mère Courage. « The migrant mother » en anglais. C’est le regard soucieux de cette femme qui nous attire immédiatement. Les sourcils froncés, les yeux lointains, elle semble rongée d’inquiétude. Deux enfants se tiennent appuyés contre ses épaules, leurs visages sont cachés derrière elle. Ils donnent l’impression de dormir debout, d’être épuisés de fatigue. A leurs cheveux en bataille et à leurs vêtements troués, nous comprenons qu’ils sont pauvres. Cette mère s’inquiète pour ses enfants, pour leur avenir, pour leur prochain repas. Mais malgré tout, elle reste digne et c’est ça qui la rend admirable.

Cette photo est devenue une icône. On la trouve dans tous les livres d’histoire pour parler de la Grande Dépression américaine. Mais savez-vous où et comment elle a été prise ?

Alors oui. Dorothea Lange n’est pas journaliste, elle ne travaille pour les journaux. Elle est employée par l’administration américaine. Elle est embauchée pour photographier l’action du gouvernement en faveur des travailleurs agricoles. Ce jour là, elle a passé du temps avec des fermiers près de Los Angeles, elle va rentrer chez elle, quand elle voit une cette route boueuse au bout de laquelle elle découvre un vaste campement. Des milliers de travailleurs agricoles s’y entassent sous de simples toiles de tente. Ils étaient venus ici, attirés par les publicités dans les journaux, promettant du travail dans les champs de pois. Ils se retrouvent loin de chez eux, sans rien : les pluies de la fin de l’hiver ont détruit leur récolte.

« J'ai vu cette mère affamée et désespérée, je me suis approchée, comme aimantée ».

C’est le témoignage de Dorothea Lange. Elles ont échangé quelques mots. Pas beaucoup. La photographe ne lui a pas demandé son nom. Elle connaît juste son âge – 32 ans – et qu’elle se nourrissait de légumes gelés ramassés dans les champs alentour et des oiseaux que capturaient les enfants. Elle rapporte aussi : « Elle venait de vendre les pneus de sa voiture pour acheter de la nourriture. Elle était assise là dans cette tente avec ses enfants blottis contre elle et semblait savoir que mes photos pourraient l'aider, alors elle m'a aidée. Nous étions comme quittes ».

C’est ce que veut croire la photographe. Mais ce n’est pas exactement le cas. D’abord, parce que cette image n’a pas « aidé » cette femme. Elle a ému les Américains, le gouvernement s’est mobilisé et a envoyé de la nourriture dans le camp. Mais cette femme, Florence Owens Thompson, n’a pas pu profiter : elle était déjà repartie. Elle a même confié plus tard : « Je regrette qu'elle ait pris ma photo. Je ne peux pas en tirer un seul centime ». Elle reprendra aussi point à point le récit de la photographe, affirmant par exemple ne pas avoir vendu ses pneus, mais au contraire s’être arrêtée dans ce camp pour faire réparer sa voiture. On apprendra qu’elle n’était pas comme les autres fermiers du camp une migrante, mais une « Native American », une descendante d’indiens cherokees. Enfin, ses enfants témoigneront enfin. Celle qui était bébé sur la photo, affirme ainsi : « Maman était une femme qui aimait la vie, qui aimait ses enfants. Elle aimait la musique et elle aimait danser. Quand je regarde cette photo, cela m'attriste. Ce n'est pas comme ça que je me souviens d'elle. »

Reste le symbole : celle d’une mère qui se ronge d’inquiétude pour ses enfants, qui se bat pour eux, mais fait face. Cela reste une réalité. Une grande photo à voir au Jeu de Paume, donc jusqu’au 27 janvier. 
 

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