Vannes
20 ans après, les promesses de la loi handicap de 2005 sont-elles tenues en matière d’accès à l’emploi ? La loi de 2005 a permis un certain nombre d’avancées pour permettre aux personnes atteintes d’un handicap de travailler, mais les résultats restent encore limités.
La loi handicap de 2005 a fixé un cadre pour l'emploi des personnes handicapés. Le texte a notamment donné la priorité au travail en milieu ordinaire en affirmant le principe de la non-discrimination à l’embauche. La loi a aussi confirmé l’obligation légale d’emploi des travailleurs handicapés.
Les entreprises d’au moins 20 salariés doivent employer des personnes en situation de handicap à hauteur de 6 % de leur effectif. Mais 20 ans après, dans les faits ce taux reste inférieur de l’ordre de 3,5 % dans les entreprises privées, un peu au-dessus du seuil dans la fonction publique. Mais un certain nombre d’obstacles persistent toujours comme l’accessibilité de locaux professionnels. "Prévus en 2005, les décrets d’application n’ont jamais été mis en œuvre" rappelle Matthieu Annereau, président de l’Association nationale pour la prise en compte du Handicap dans les politiques Publiques et Privées. "On a légiféré sur les établissements recevant du public, mais pas sur la partie des bureaux travailleurs non ouverts au public. Il n'y a pas d'obligation légale d'accessibilité. Par exemple, des toilettes qui ne seraient pas adaptées, c'est légal aujourd'hui, mais ça veut dire qu'on ne peut pas accueillir un collaborateur en fauteuil roulant".
Pour Marine Neuville, directrice du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, cette problématique d’accessibilité doit s’envisager de façon large incluant par exemple les nouveaux outils numériques : "l'enjeu demain, c'est que toute application développée, soit nativement accessible. Parce que si on met à disposition des outils qui ne sont pas accessibles, pour les rendre accessibles, c'est très cher, très coûteux et très compliqué".
Mais le principal frein reste dans la tête des entreprises ou des collectivités. "20 ans après, on a encore un effort à faire sur la sensibilisation de la question du handicap auprès des entreprises, de façon à ce qu'elles recrutent et qu'elles maintiennent mieux leurs salariés en situation de handicap. Il y a vraiment un point sur la sensibilisation de ce qu'est le handicap et le fait que parfois, on ait des représentations qui nous font dire que certains métiers sont inaccessibles aux personnes en situation de handicap" indique Marlène Capelle, déléguée générale de Cheops, le réseau des Cap emploi organisme d’accompagnement des personnes handicapés vers l’emploi.
C’est toute une chaîne qu’il faut former et sensibiliser ajoute Matthieu Annereau : "il y a trop de stéréotypes. Ils sont très longs à faire tomber dans notre société. Et à tous les niveaux, on va évoquer les recruteurs, les managers, on pourrait évoquer la médecine du travail également, qui trop facilement déclare une inaptitude". C’est d’autant plus essentiel que les handicaps sont multiples et certains peu visibles. "Il y a notamment tous les handicaps liés à la santé mentale. Les troubles du neurodéveloppement, les troubles autistiques. Ce sont des handicaps qui impactent le comportement de la personne et sa relation à ses collègues, à son encadrant. Cela fait peur aux employeurs parce qu'ils ont l'impression d'être démunis, de ne pas savoir comment accompagner les choses" souligne Marine Neuville.
Il y a la sensibilisation, mais certains demandent plus de fermeté. La CFTC par exemple plaide pour mettre fin aux possibilités pour les entreprises de déroger aux obligations de la loi de 2005. Certaines préfèrent ainsi s’acquitter d’une "amende" auprès de Agefiph, le fond chargé de soutenir le développement de l'emploi des personnes handicapées, plutôt que de respecter les minimas d’emplois fixés par le texte. Durcir les sanctions contre ceux qui ne respectent pas leurs engagements pourquoi pas. "Mais au bâton doit s’ajouter une carotte" pense Mathieu Annereau."On a souvent l'idée, l'envie de sanctionner les mauvais élèves, et il faut le faire, mais de l'autre côté. Il faut avoir du bonus vis-à-vis des bons élèves, les mettre en lumière, peut-être les labelliser d'une manière qui soit beaucoup plus positive" ajoute-t-il.
Selon la défenseure des droits, Claire Hédon, le handicap est resté en 2024, le premier critère en termes de saisine sur les questions de discrimination (21 % des cas). L’emploi est le premier domaine dans lequel s’exerce les discriminations fondées sur le handicap.
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