Installée en presqu'île de Lyon, l'École Pierre propose des formations post-bac d'un type particulier : de la théologie, de la louange, mais aussi des cours d'entrepreneuriat destinés à former les futurs cadres de l'Église. S'appuyant sur la créativité audiovisuelle et l'évangélisation, l'École Pierre reçoit de nombreuses candidatures chaque année. Alors que l'établissement financé par le diocèse de Lyon vient de commencer sa cinquième rentrée, point d'étape sur cette formation d’évangélisation version 21e siècle.
Dans une société de plus en plus déchristianisée, où l’Église catholique a perdu de son influence, comment continuer à porter le message de l’Évangile ? À Lyon, un établissement tente d’apporter sa propre réponse.
Dans le 2 arrondissement de Lyon, juste à côté de l’église Sainte-Blandine au sud de Perrache, l’École Pierre propose à la sortie du bac deux cursus en louange et communication, avec la théologie comme socle commun. Son objectif : « former les futurs leaders pour transformer l’Église par la créativité ». Alors que la cinquième promotion de l'école a fait sa rentrée en septembre, il est temps de faire le point : quatre ans après son ouverture, l’École Pierre a-t-elle porté ses fruits ?
Ce lieu de formation est financé en grande partie par le diocèse de Lyon. Dans ses locaux de la Rue Smith, il accueille une promotion de 20 « Pierrots » par an, venus pour se former à l’évangélisation en mode 2 ou 3.0. De ce lieu de formation original sont nés des projets au succès certain dans la sphère musicale chrétienne, comme le titre rap Lumière dans le noir produit par l'école et interprété par Ruben Fereirra pour le projet Renaître, qui frise avec les 300 000 streams (écoutes) sur la plateforme Spotify.
Pour les créateurs de l'École Pierre, diffuser la parole de l'Évangile peut passer par des chemins inattendus. Au programme d'une semaine type : des cours de théologie, d’entrepreneuriat, mais aussi de composition musicale (MAO) ou encore de graphisme selon la spécialité choisie.
Chaque année, les candidatures affluent : avec 13 étudiants la première année puis rapidement une vingtaine, la direction peut aujourd'hui « faire une sélection plus affinée » parmi les 200 candidatures reçues pour l'actuelle promotion, se réjouit Guillaume Cail, le fondateur et directeur de Pierre.
Pour attirer ces candidats âgés de 18 à 26 ans, l’école s’appuie largement sur le bouche à oreille moderne : les réseaux sociaux. C’est par ce biais que Jérémy, chrétien évangélique de 22 ans, a découvert l'école : « C'est ma petite sœur a vu ça sur Instagram, via le compte de Noémie (@soeur_co), qui est une influenceuse chrétienne. [...] Ça réunit deux aspects de ma vie qui comptent pour moi : Dieu et la créativité ».
Si Jérémy, comme ses co-Pierrots de la promo 5, ne sait pas vraiment ce qu’il fera à la fin de cette année de formation, il pourra s’inspirer de certains anciens élèves qui ont trouvé des débouchés variés, que liste, enthousiaste et précis, Guillaume Cail : « On n'a pas une trajectoire définie, et on ne veut surtout pas en définir, puisqu'on pense que l'Église, elle a besoin de gens dans leur diversité [...] : on a des étudiants qui poursuivent dans la musique (Gab, qui a lancé son projet rap, Alizée Eyer qui tourne avec Glorious, Pierre-Philippe, batteur intermittent qui tourne avec Glorious et Be Witness) [...] ».
Certains poursuivent dans la musique, d'autres vont travailler « dans l'Église au sens institution ou pastorale, on en a qui travaillent dans des diocèses, dans des paroisses, d'autres dans des ONG chrétiennes [...], dans des médias, d'autres qui créent leur structure, on a beaucoup de photographes, de réalisateurs ». D'autres se tournent vers des métiers hors de l'Église et sont devenus « médecins, ingénieurs, mécano, agriculteurs, mais [...] servent l'Église le weekend, le soir, dans des initiatives bénévoles : et, en fait, ces gens-là sont l'Église, parce que l'Église ça n'est surtout pas un écosystème de professionnels, c'est une assemblée de chrétiens qui ensemble portent un trésor ».
Certains d'entre eux intègrent le staff de l’école en fin de cursus. C’est le cas de Marie-Nathanaëlle Bougeant, étudiante catholique de la toute dernière promotion, qui a signé un CDI en tant que chargée de la coordination, de la communication et des partenariats. Elle décrit son année au sein de l’école avec des mots forts : « J'ai terminé mes études avant d'arriver à Pierre, j'étais dans l'événementiel du vin. Et Pierre est arrivé un peu par hasard. C'était pas du tout prévu, je me suis pris une claque spirituelle ».
L'École Pierre a été créée en 2019 : quatre ans plus tard, quel bilan ? « On a quasiment 30 000 auditeurs par mois sur Spotify aujourd'hui. Sur un seul album de musique (Apôtre), on a dépassé le million de streaming » : son directeur met en avant le nombre de vues comme bon indicateur pour se rendre compte de sa réussite. Des records d’écoute, mais aussi des projets qui sont pour lui une forme de fierté : « Je suis très touché, parfois ému, de voir notre réseau d'anciens, les fruits qu'il y a, de voir qu'au stade Vélodrome, quand le pape était là, on avait un de nos étudiants qui était là pour faire tout le montage vidéo avec le diocèse de Marseille, de voir qu'on en avait trois autres qui étaient sur scène en train de chanter ». Une fierté pour Guillaume Cail, même si l'humilité n'est jamais loin, rappelant l'aspect collectif du projet, « le projet d'une équipe, celui d'une Église, de Dieu ».
Quatre ans après, le directeur se félicite du succès de l’école et du nouvel écosystème qu’elle a créé dans son sillage : « Est-ce que cette chose nouvelle qu'on a créée, l'école Pierre, répond vraiment à un besoin ? ». Oui, répond avec ses mots le cofondateur de cette école bien ancrée dans son temps. Selon lui, ce pari, cet « appel d'air énorme », dépasse l'ambition initiale : « Aujourd'hui, on a une notoriété à l'École Pierre largement supérieure à notre capacité de formation, à la taille des locaux, à la taille de notre équipe, à notre budget, etc. [...] Après, il y a plein de choses qu'on fait mal, il y a plein de choses qu'on a ratées, il y a plein de choses qu'on a loupées, on refera des erreurs, mais vraiment, je crois qu'il y a quand même une grande joie partagée par toute l'équipe autour de ce projet ».
Quatre ans après, l’École Pierre a semé quelques graines qui commencent à fleurir, mais il reste encore un modèle économique à solidifier pour garantir sa pérennité dans l’avenir et lui permettre de s’exporter. Un projet qui continue de grandir : l'école veut désormais « changer d’échelle » pour reprendre les mots du directeur. Elle travaille en ce moment à la création d’un tiers-lieu qui regrouperait une école, un coworking et un restaurant. Une collecte appelée « Bâtir l’Église » sera bientôt lancée pour soutenir l'École Pierre.
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