Le 5 octobre 2021, il y a plus de trois ans, la Commission indépendante sur les violences sexuelles dans l’Église (CIASE) publiait son rapport, révélant l’ampleur des abus, avec 330 000 victimes mineures identifiées. La répétition des cas de violences sexuelles au sein de l’institution invite à s’interroger : y a-t-il un problème dans la réception de la morale sexuelle catholique en France ? C’est la question que pose Matthieu Poupart, auteur de Le silence de l’agneau : la morale catholique favorise-t-elle la violence sexuelle ?
Lors de leur assemblée plénière à Lourdes la semaine dernière, les évêques se sont penchés sur les cas de victimes adultes. Dans son discours de clôture, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort a annoncé que la présentation du dispositif d’accompagnement des victimes serait reportée à mars.
Peut-on établir un lien entre la morale sexuelle catholique et les violences sexuelles ? Matthieu Poupart explore cette question dans son ouvrage. Il souligne que la morale sexuelle catholique est vaste et comprend d’une part les aspects doctrinaux, et d’autre part les dimensions pastorales, qui doivent relier la doctrine à la conscience des fidèles. Cette réalité terrestre peut être influencée par des préjugés sociaux et certaines sources théologiques, explique l’auteur. "Si la morale catholique est perçue comme le discours de certains milieux sociaux, des représentations délétères peuvent s’installer, qui seront utiles aux agresseurs sexuels et nuisibles aux victimes." Matthieu Poupart invite à redéfinir le terme « catholique » comme l’expression de la révélation de l’Évangile et de la tradition de l’Église, qui peuvent au contraire aider à combattre les violences sexuelles.
Dans les années 2010, j’ai connu une pastorale catholique qui abordait volontiers la sexualité, mais jamais sous l’angle de la violence ou du consentement
Pour lui, il est urgent d’aborder la question des violences dans la pastorale. "Dans les années 2010, j’ai connu une pastorale catholique qui abordait volontiers la sexualité, mais jamais sous l’angle de la violence ou du consentement", témoigne Matthieu Poupart. Pourtant, ce sujet est présent dans certains textes majeurs de l’histoire chrétienne, tels que La Cité de Dieu de Saint Augustin, qui consacre quatre chapitres aux victimes de viols. L’auteur déplore que la pastorale ait peu à peu cessé d’aborder les violences sexuelles au cours des dernières décennies.
Matthieu Poupart souligne qu’il est essentiel pour les fidèles catholiques de prendre conscience des violences sexuelles commises au sein de leur communauté. "La pastorale est censée venir en appui au magistère. Elle doit aider les fidèles à identifier les violences et les agressions telles qu’elles se produisent réellement dans leur communauté." Selon lui, bien que la pastorale ait sensibilisé les fidèles aux dangers du libertinage ou de la pornographie, elle n’a pas fourni d’outils pour identifier les violences.
La pastorale est censée venir en appui au magistère. Elle doit aider les fidèles à identifier les violences et les agressions telles qu’elles se produisent réellement dans leur communauté.
Pour Matthieu Poupart, le cœur du problème réside dans cette incapacité à reconnaître les violences sexuelles. "Comment en est-on arrivé au point où, dans des conférences grand public ou des homélies, on peut décrire des situations de coercition sans en prendre conscience ?" Il ajoute que certaines parties de la pastorale ne sont pas en mesure de poser l’hypothèse de la violence dans des situations ambiguës. Il conclut en affirmant que la rigueur morale catholique devrait inclure l’idée que chacun peut toujours refuser une relation sexuelle.
Le consentement est une notion ancienne dans l’Église qui a quelque peu disparu. La notion de consentement a longtemps été valorisée, notamment par le sacrement du mariage, mais pas seulement, explique Matthieu Poupart. Le mot "consentement", appliqué aux relations sexuelles, apparaît déjà chez les Pères de l’Église et dans les actes de martyre, bien avant que la théologie du mariage soit développée. "Ils cherchaient à distinguer le viol du libertinage. Cela se retrouve dans le magnifique témoignage du martyr de Sainte Lucie." Pour Matthieu Poupart, le discours de Sainte Lucie incarne la définition du consentement sexuel et la défense des victimes de viol. Il conclut que ce texte représente la plus ancienne expression littéraire et philosophique du consentement sexuel dans la culture européenne.
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