400.000 personnes, dont 200.000 mineurs auraient été victimes d’abus sexuels commis par des membres de l’Église catholique espagnole. C’est le chiffre édifiant qui ressort d’un rapport présenté par le médiateur du peuple espagnol. Un rapport qui résonne avec celui de la Ciase en France, pourtant l’implication de l’Église espagnole n’est pas du même niveau.
Cette enquête indépendante était attendue depuis très longtemps en Espagne, car jamais rien de tel n’avait été fait sur les abus sexuels commis dans l’Église espagnole. Seul le magazine El Païs avait tenté de s’y pencher en 2018, mais ses conclusions étaient bien en-deçà de ce que révèle ce nouveau rapport réalisé par une commission indépendante, conduite par le défenseur des peuples Angel Gabilondo.
Concrètement, ce rapport présenté vendredi devant les députés ne présente pas de chiffre précis, mais se base sur un sondage effectué auprès de 8000 personnes. Il en ressort que 1,13 % de la population adulte actuelle a été victimes depuis les années 1970 d’agressions sexuelles commises dans le cadre ecclésial. Projeté à l’échelle de la population espagnole, cela correspond donc à près de 440.000 personnes.
Des chiffres obtenus grâce à une méthode fiable, similaire à celle utilisée par la Ciase (la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église) en France. En plus de ce sondage présenté comme très fiable, elle s’est également basé sur des entretiens individuels auprès de 500 personnes et sur la consultation de documents policiers et diocésains.
Ces derniers documents sont les seuls qu’a transmis l’Église espagnole qui est restée en retrait de cette enquête, là où « l’Eglise de France avait demandé la constitution de la Ciase et lui avait donné entière liberté », rappelle Pierre de Charentenay, auteur de Tolérance Zéro, lutter contre la pédocriminalité dans l’Église. Le prêtre jésuite, ancien rédacteur de la revue Études, y voit une forme de frilosité de l’église espagnole qui « n’a pas du tout envie de savoir tout ce qui s’est passé dans ses rangs ».
En février 2022, l’Église espagnole avait pourtant tenté de montrer patte blanche en commandant une enquête sur les abus sexuels à un cabinet d’avocat. En juillet 2022, le cabinet avait annoncé qu’il y avait entre 1000 et 2000 cas, des révélations très inférieures aux chiffres dévoilés par la commission indépendante. Pour Pierre de Charentenay, « cela veut dire que l’Église a tenté de faire quelque chose qui soit beaucoup plus limité et pour les victimes, ça n’est absolument pas crédible ».
Quoiqu’il en soit, cette attitude de l’Église espagnole n’est pas de bonne augure pour les victimes. « L’Eglise ne veut pas collaborer et jouer le jeu de la transparence et du regard scientifique et professionnel. C’est un mauvais signe qui est envoyé », estime le jésuite qui appelle l’institution a « tiré les conséquences » de ce rapport, notamment pour mettre en place des systèmes de réparation.
Lundi 30 octobre, la Conférence épiscopale de l’Église catholique espagnole a organisé une assemblée plénière extraordinaire. L’occasion pour les évêques de débattre du rapport et de dénoncer les « extrapolations » de certains médias. « Elles ne correspondent pas à la vérité et ne représentent pas non plus l’ensemble des prêtres et des religieux qui travaillent loyalement et avec dévouement (…) au service du Royaume », a réagi le CEE dans un communiqué.
« Les abus commis dans l’Église font mal », ont encore réagi les évêques, demandant pardon aux victimes. Dans leur communiqué, ils se disent prêts à travailler conjointement avec la commission afin de « mettre fin à ce fléau qui affecte toute la société ». Le rapport préconise notamment la création par l’État d’un fonds de réparations aux victimes.
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