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RCF Au coeur de la pauvreté à Calcutta, la mission du père Laurent Bissara

Au coeur de la pauvreté à Calcutta, la mission du père Laurent Bissara

Un article rédigé par Jacques Galloy - 1RCF Belgique, le 27 juin 2024  -  Modifié le 27 juin 2024
God's talents Au coeur de la pauvreté à Calcutta, la mission du père Laurent Bissara

Le père Laurent Bissara est prêtre des missions étrangères envoyé ad vitam en Inde pour témoigner auprès des plus pauvres. Plus précisément, il est le successeur du père François Laborde, l’inspirateur de la cité de la joie, au milieu des pauvres de Calcutta en Inde. Qu’est devenue la cité de la joie, dont le vrai nom est “Howrah South Point” ? Comment évolue la pauvreté dans le pays le plus peuplé du monde ? De passage en Belgique, il répond au micro de Jacques Galloy.

Howrah South Point (Cité de la Joie) Laurent Bissara Howrah South Point (Cité de la Joie) Laurent Bissara

Quelle est l’origine de la cité de la joie ou Howrah South Point fondée par la père Laborde ?

 

Howrah South Point (HSP) a vu le jour dans les bidonvilles de Calcutta grâce au Père François Laborde. Après avoir vécu neuf ans dans ces conditions précaires, il a demandé aux habitants ce qu'il pouvait faire pour eux. Leur réponse fut surprenante : ils voulaient une éducation pour leurs enfants. Cela a conduit à la création d'une première association. Plus tard, lorsqu'il fut nommé dans une paroisse, il développa un foyer pour enfants handicapés et, par la suite, une école. Aujourd'hui, HSP s'occupe des enfants des bidonvilles de Calcutta et des enfants des travailleurs des plantations de thé à Jalpaguri, au nord de l'Inde.

 

Le père Laurent Bissara, successeur du Père Laborde, est devenu prêtre à 46 ans. Ayant lu "La Cité de la Joie", il fut guidé par la providence et, après avoir rencontré le Père Laborde et visité les foyers, il fut conquis par les sourires des enfants. Les premières années ne furent pas simples ni de tout repos, notamment à cause des températures très élevées, du besoin d’inculturation et de l’apprentissage de la langue. Le Père Laurent est de passage en Europe pour la première fois depuis son départ pour l’Inde il y a 6 années. Les grands donateurs européens n’avaient plus eu la visite de missionnaires de la Cité de la joie depuis 8 années.

 

Quelles sont les missions d’Howrah South Point actuellement ?

 

HSP compte plus de 220 employés et trois branches principales : les foyers pour enfants, les soins de santé, et l'éducation. Les foyers accueillent des enfants issus de milieux très précaires, souvent exposés à la violence, au mariage précoce, et parfois au trafic d'enfants. HSP les sort de ces conditions pour leur offrir un environnement sécurisé.

 

En matière de santé, HSP s'occupe des enfants ayant des malformations orthopédiques, offrant des soins de physiothérapie et parfois des chirurgies correctives. Ils accompagnent également 500 femmes enceintes, assurant des accouchements en milieu hospitalier et veillant à la croissance et à la vaccination des nouveau-nés. Enfin, le volet éducatif comprend quatre écoles formelles et cinq non formelles dans les bidonvilles et plantations de thé, ainsi que deux écoles spéciales pour enfants handicapés, visant à leur apprendre l'autonomie.

 

Le Père Laurent Bizarre est actuellement en France, en Suisse et en Belgique pour témoigner de cette œuvre et collecter des fonds nécessaires à son expansion. En Inde, malgré les avancées technologiques, des millions d'enfants ne sont pas scolarisés. HSP a besoin de fonds pour ouvrir de nouvelles écoles dans les bidonvilles et plantations de thé, pour accueillir davantage d'enfants dans les foyers, et pour étendre son soutien aux mères enceintes. Le budget annuel d'HSP est d'environ 750 000 €, et chaque euro compte. 85 à 90% des dons viennent d'Europe et 15% proviennent des ventes de leurs produits de la ferme ou leurs produits artisanaux et de donateurs locaux. Actuellement, ils cherchent à collecter 50 000 € pour financer de nouveaux projets et agrandir un foyer pour étudiants.

 

Les contributions permettent de soutenir des enfants à raison de 40 € par mois pour un enfant dans un foyer et 80 € pour un enfant handicapé. L'objectif est d'assurer la continuité et l'expansion de cette mission vitale pour les plus pauvres en Inde.
 

Howrah South Point

L’itinéraire du père Laurent Bissara

 

Le Père Laurent Bissarat a été marqué par plusieurs souvenirs de son enfance : l’élection du pape Jean-Paul II en 1978 quand il avait 7 ans et puis plus tard, en mai 1981, lors de l'attentat contre celui-ci place Saint-Pierre. Cela l'a profondément ému et inspiré à devenir prêtre. Bien que ce chemin ait été long, il a finalement été ordonné à l'âge de 46 ans. Entre 26 et 46 ans, il a travaillé plus de 10 ans en Italie en tant que chef d'entreprise dans le secteur de l'électronique grand public et de l'informatique, ainsi que dans la photographie, durant la transition vers le digital. Il a occupé des postes chez des distributeurs et des fabricants, changeant plusieurs fois d'entreprise, et se sentant particulièrement attiré par les ressources humaines et les questions humaines. Son parcours professionnel en Italie, un pays profondément imprégné par la foi chrétienne, a ravivé son appel à la prêtrise. C'est cette combinaison unique de businessman et de foi qui caractérise son cheminement vers sa vocation religieuse. 

 

Le décès de Jean-Paul II en 2005 a été un tournant majeur pour Laurent. Expérimentant la perte d’un père, il a décidé d'assister à ses funérailles à Rome, un acte de foi significatif après une longue période d'égarement spirituel. Cela l'a conduit à retourner à la messe et à approfondir sa foi. Puis, à partir de 36 ans, le père Laurent a ensuite poursuivi des études de philosophie puis de théologie pendant presque dix ans, au sein des Missions Etrangères.

 

Les sources d’inspiration du père Laurent Bissara

 

Le Père Laurent Bissara cite volontiers Charles de Foucauld comme une figure inspirante. Ce dernier, après une vie dissolue, a vécu une conversion radicale à la rencontre du Christ, similaire à l'expérience du Père Laurent. Foucauld, connu pour son esprit d'aventure et son amour de l'eucharistie, a exploré le Maghreb déguisé en marchand juif, a vécu à Nazareth et dans le désert de Tamanrasset. L'intégralité de sa vie, marquée par la recherche de sa vocation, par la fréquentation de l’Eucharistie et de l’adoration, puis son engagement auprès des plus pauvres, a profondément marqué Laurent.

 

Le film "Un jour sans fin" résonne particulièrement avec Laurent, car il raconte l'histoire d'une conversion personnelle à travers l'apprentissage de l'amour et du service. En littérature, "La Cité de la Joie", écrit par Dominique Lapierre, a été une lecture bouleversante pour lui, inspirant un désir de servir les plus pauvres à Calcutta. Ce livre a été traduit en 31 langues, et son tirage dépasse plus de 40 millions d'exemplaires. Le livre a ensuite été adapté librement au cinéma en 1992 par Roland Joffé. Aujourd'hui, Laurent travaille en Inde au milieu des enfants exclus et des jeunes mamans. Il trouve son réconfort dans l'adoration eucharistique, un pilier essentiel pour lui dans ses moments de solitude et de difficulté.

 

Sa citation biblique préférée est : "Ceci est mon corps livré pour vous

Cette citation incarne le don de soi, une valeur centrale dans la mission de Laurent. Son engagement est quotidien, passant par de petits actes de service et d'amour envers ceux qu'il sert en Inde.Lorsqu’il évoque un lieu inspirant, Laurent raconte une chapelle en Ardèche, construite par sa famille, comme un lieu de prière et de ressourcement, symbolisant son lien profond avec la foi et la tradition chrétienne.

 

La vie et les engagements du père Laurent Bissarat montrent une quête constante de sens, de foi et de service, inspirée par les figures de saint Jean-Paul II, de saint Charles de Foucauld et du père Laborde ainsi que par des moments significatifs. Derrière sa barbe et sa voix paisible, il est guidé par un amour profond pour l'eucharistie et la mission chrétienne.
 

Howrah City Suburb

Les hindous comprennent parfois mieux le message de Jésus que des chrétiens locaux

 

Calcutta est souvent perçue comme plus pauvre comparée à d'autres grandes villes indiennes comme Bangalore. Malgré ses avancées technologiques et économiques, avec par exemple l’envoi récent d’une fusée sur la Lune, l’Inde demeure un pays où les inégalités sont marquées : 1% de la population possède 60% des richesses, tandis que deux tiers des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Ainsi, le besoin d’aide reste immense, et des associations comme la nôtre s’efforcent de combler ces lacunes. L’ONG Howrah South Point est fondée sur une communauté spirituelle. Elle incarne cette mission, inspirée par le Père Laborde, en promouvant la fraternité entre hindous, musulmans et chrétiens.

 

Le père Laurent explique: “L’interreligiosité est cruciale pour nous.

 

Par exemple, bien que je célèbre l'eucharistie seul dans un petit oratoire quotidiennement, notre communauté se rassemble le dimanche. Nous organisons des prières interreligieuses de manière simple : dans nos locaux, vous trouverez des images de Jésus, Krishna, Shiva, et Bouddha, et les enfants prient ensemble, souvent en commençant par un signe de croix. De plus, nous répondons aux demandes des hindous pour des messes dominicales, où leur compréhension de l'esprit de Jésus peut parfois surpasser celle des chrétiens locaux.”

 

Ces messes du dimanche réunissent entre 60 et 70 personnes, bien que seules quelques-unes communient. Leur quartier Howrah, situé à la périphérie de Calcutta, de l’autre côté du fleuve, n'est pas un quartier d'expatriés ou de touristes, mais un secteur populaire où la pauvreté est palpable. Là-bas, les occidentaux sont rares, ce qui suscite souvent l’étonnement des habitants lorsque le père Laurent se déplace. Après six ans de présence, les voisins le connaissent, mais il reste une figure inhabituelle dans cette communauté. Il poursuit: “La simplicité de notre quotidien, au cœur de ce quartier populaire, met en lumière la nécessité et l'importance de notre mission, tant matérielle que spirituelle.”

 

Les smartphones menacent la belle intériorité du peule indien


En Inde, la pauvreté reste un problème majeur, mais un autre défi émerge avec la modernité qui déferle sur le pays, menaçant ses traditions millénaires. La fascination de l'Inde pour l'Occident, sans discernement du bon et du mauvais, contribue à ce phénomène. Père Laurent Bissarra, ancien travailleur dans l'électronique grand public et maintenant missionnaire à Calcutta, observe que l'usage des écrans, notamment des smartphones, perturbe la spiritualité naturelle des Indiens. Il constate une perte de l'intériorité, essentielle à la prière et à la connexion spirituelle, avec de plus en plus de personnes déconnectées de leur propre intériorité.


Même parmi les pauvres, l'utilisation des smartphones s'est généralisée, surtout depuis la pandémie de COVID-19. Cela concerne même de très jeunes enfants, ce qui pose des problèmes pour leur développement. Les efforts de sensibilisation sont donc cruciaux pour prévenir ces effets néfastes. Heureusement, dans les communautés protégées des écrans, les enfants montrent encore des signes d'émerveillement et de joie authentiques, gardant un lien précieux avec leur environnement et leur spiritualité.


L’association Howrah South Point s’apprête à célébré son jubilé des 50 ans en 2026.

 

Plus d’infos

 

https://www.howrahsouthpoint.org/

Livre : La cité de la joie, de Dominique Lapierre, https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Cit%C3%A9_de_la_joie 
EAN : 9782266107532, 639 pages, POCKET (18/09/2000)

Résumé : un prêtre catholique français, un jeune médecin américain, une infirmière et un tireur de pousse-pousse indien se rencontrent sous les cataractes de la mousson. Ils s'installent dans l'hallucinant décor d'un quartier de Calcutta pour soigner, aider, sauver. Condamnés à être des héros, ils vont se battre, lutter, vaincre. Au milieu des inondations, des rats, des scorpions, des eunuques, des dieux, des fêtes et des soixante-dix mille "lumières du monde" qui peuplent la Cité de la joie. Leur épopée est un chant d'amour, un hymne à la vie, une leçon de tendresse et d'espérance pour tous les hommes de notre temps
 

Laurent Bissara Bruxelles  Laurent Bissara Bruxelles 2

Photos prises lors de la conférence du père Laurent Bissara à Bruxelles le 12 juin 2024, modérée par Jacques Galloy

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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