Chaque jeudi, Stéphanie Gallet décrypte une photo sélectionnée par le CCFD-Terre solidaire. Cette semaine, direction le Timor, à la rencontre d'une femme.
Une photo du journaliste Patrick Piro.
C’est vraiment un portrait comme on les aime, un sourire magnifique rayonnant éclatant, pas un truc qui minaude, où on cache ses dents, vraiment un sourire généreux qui donne tout. Un portrait mais en format paysage. On est très proche de la femme. Elle est photographiée en plan très serré. De son corps on ne voit que le haut des épaules. C’est une femmes à la peau très foncée, ce n’est plus une jeune femmes, elle a de très jolies ridules au coin des yeux. Pas de maquillage, elle est tout à fait nature. Elle est adossée contre un arbre devant un vieux papier peint qui se décolle. Elle a le visage légèrement tourné vers notre droite et elle regarde un peu au-dessus de nous.
Des couleurs qui encadrent le visage de cette femme, ce sont des couleurs complémentaires. Derrière elle se trouve une sorte de sac avec des rayure multicolores. Il y a du bleu clair, du jaune pale et du orange. Le bleu clair, on le retrouve sur son gilet mais aussi sur le papier peint qui fait comme un fond à la photo. Les tons oranges et ocre sont aussi ceux du foulard qu’elle porte turban sur sa tête et aussi de la lanière qu’elle a l’épaule, et puis le jaune est celui de son t-shirt.
Nous sommes au marché de Gleno, dans la province d’Ermera au Timor-Leste, un pays marqué par 25 années d’occupation indonésienne. Ce sourire très communicatif photographié par le journaliste Patrick Piro pourrait nous faire oublier la situation très difficile que vit cette région.
C’est exaltant une indépendance mais ca n’est jamais simple. Ainsi, de nombreuses personnes qui s’étaient exilées vont revenir chez elles et elles retrouvent leurs terres occupées par d’autres. Les tensions vont se multiplier et menacer la paix sociale. Les communautés de la province d’Ermera, là où est prise cette photo, sont particulièrement touchées par ces conflits fonciers car leur région est connue pour la richesse de ses plantations de café.
Le sourire de cette femme est la preuve qu’une solution pour résoudre ces conflits autour des titres de propriété a été trouvée. Une belle solution qui puise dans la culture locale : il s’agit du Tara Bandu, un code social très ancien qui vise à régler à l’amiable les conflits communautaires et fonciers. Il veille aussi à l’amélioration du bien-être des populations et à la gestion durable des ressources naturelles. Ce recours à cette méthode traditionnelle a pu réussir car ses promoteurs se sont appuyés sur l’ensemble des acteurs locaux, les communautés, les chefs de village, la police et même l’Église, très importante dans cette région à majorité catholique. Ensemble, ils ont trouvé un terrain d’entente et ont défini un nouveau contrat social qui prend en compte les spécificités locales. Ce Tara Bandu des temps modernes a permis d’apaiser les tensions et de préserver les coutumes. Voilà ce que nous dit ce sourire.
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