Syrie
Cette année, un visage bien connu sera de nouveau sur les photos du sommet de la Ligue Arabe qui se tient ce 19 mai à Djeddah en Arabie-Saoudite. 12 ans après avoir été exclu de l’alliance en raison des répressions sanglantes contre les manifestations pro-démocratie, le président syrien Bachar Al-Assad revient sur le devant de la scène du monde arabe. Un retour qui s’explique par des raisons géopolitiques, sanitaires et conjoncturelles.
Depuis quelques années déjà, les premiers signes de rapprochement avec la Syrie transparaissaient. Fin 2018, les Emirats-Arabes-Unis faisaient le premier pas vers le régime syrien en rouvrant leur ambassade à Damas. L’an dernier, c’était au tour de la Grèce et Chypre d’en faire autant. Mais c’est surtout la réconciliation entre les deux grands ennemis que sont l’Iran (régime chiite) et l’Arabie-Saoudite (régime sunnite) qui a ouvert la voie à la réhabilitation de la Syrie. « Cet accord a mis sur la région une ambiance de détente temporaire et Bachar Al-Assad étant le protégé de Téhéran il en a bénéficié », explique Antoine Basbous, fondateur et directeur de l’Observatoire des pays arabes.
Si le terrain était favorable à une réintégration de la Syrie, c’est un événement inattendu qui l’a légitimitée : le tremblement de terre survenu début février faisant près de 6000 morts côté syrien. Un contexte dramatique dont a bénéficié Bachar Al-Assad, comme l’affirme Fabrice Balanche, géographe spécialiste de la Syrie, qui parle même de « démocratie du tremblement de terre » : « les dirigeants arabes ont apporté leurs condoléances à Bachar Al-Assad et les condoléances sont le moyen de se réconcilier sans perdre la face. C’était vraiment le prétexte rêvé ».
L’une des raisons qui poussaient les autres pays arabes à se rapprocher avec le dirigeant syrien, est sanitaire. En effet, depuis plusieurs années, un fléau ronge la région : le captagon, une drogue de synthèse à base d’amphétamines, produite en Syrie et exportée partout dans le monde. « La Syrie est devenue un narco-état. On sait que c’est dans les cercles du pouvoir qu’on produit de la drogue et que c’est justement un moyen de gagner de l’argent et puis aussi un levier sur les pétromonarchies du Golfe parce que ces drogues de synthèses envahissent [les pays de la péninsule arabique] », détaille Fabrice Balanche. Bachar Al-Assad profite donc de cela pour faire du chantage auprès de ses voisins et obtenir de l’argent en échange de l’arrêt de la production du captagon. Ce qui paraît peu crédible d’après les spécialistes.
Quoiqu’il en soit, cette réhabilitation est une « victoire diplomatique » pour Bachar Al-Assad, mais un terrible camouflet pour les Syriens et les 8 millions de réfugiés. « Le message qui est lancé aux victimes est extrêmement négatif, voire désastreux », déplore Clémence Bectarte, avocate de la FIDH (Fédération internationale des droits humains). Et d’ajouter : « ce qui est arrivé en Syrie depuis 2011 c’est sans précédent dans la région en terme de mort, d’échelle de la torture, de la répression, des bombardements, du recours à l’arme chimique contre la population civile. Et li est absolument effarant de penser qu’on pourrait aujourd’hui normaliser le régime de Bachar Al-Assad et de faire comme si rien ne s’était passé ».
Craignant que d’autres pays soient tentés de normaliser à leur tour leurs relations avec la Syrie (ce qui pourrait arriver plus rapidement que prévu en raison de la participation de la Syrie à la COP28 qui se tient aux Emirats-Arabes-Unis fin 2023), la FIDH veut rappeler les exactions commises par le régime syrien. L’ONG se bat pour obtenir justice pour les crimes commis par le régime syrien, afin que les responsables soient sanctionnés et que personne ne soit tenter de faire la même chose dans un autre pays un jour.
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