Manche
La première session du programme de mentorat Women in jazz vient de se terminer à Coutances. L’objectif : donner les clés du monde professionnel de la musique à dix jeunes musiciennes. Créé par des femmes, pour des femmes et animé par des femmes, le projet entend faire sa part pour rééquilibrer l’univers du jazz, encore très masculin.
Mardi 19 décembre 2023, peu avant midi, sur la scène du théâtre de Coutances, se joue une répétition pas comme les autres. Sur l’estrade : dix musiciennes et Airelle Besson, trompettiste et cheffe d'orchestre française. Guitare, batterie ou saxophone, elles sont venues avec l’instrument qu’elles maîtrisent ou avec leur voix. Ces professionnelles pratiquent toutes, pendant les trois jours du camp, des compositions amenées par chacune d’entre elles. Elles participent au projet de mentorat lancé par l’artiste Anne Paceo en partenariat avec le Festival Jazz sous les pommiers de Coutances : Women in jazz. Six jours de formations sont proposés, dont trois à Coutances, du 18 au 20 décembre, puis trois jours en région parisienne sur la scène des Gémeaux du 19 au 21 juin 2024. L’occasion pour les jeunes talents de rencontrer leurs aînées et de partager leurs expériences.
Anne Paceo est une batteuse, compositrice et chanteuse dont la carrière est reconnue et récompensée par deux Victoires du jazz en tant qu’artiste française de l’année en 2016 et 2019. Passée par trois années de résidence à Coutances, elle explique que l’idée de Women in Jazz lui est venue après un échange avec une jeune artiste sur les réseaux sociaux « J’ai reçu un message d’une jeune musicienne qui me disait que ce n'était pas évident pour elle d’évoluer dans son milieu. On s’est téléphoné et je me suis rendu compte que les problèmes auxquels j’ai été confrontée plus jeune, sont toujours d’actualité ». Anne Paceo a alors décidé d’offrir aux jeunes générations de musiciennes un espace de formation comme elle aurait voulu en avoir au même âge.
Anne Paceo raconte sa jeunesse en école de musique « Il y avait trois femmes sur 90 élèves et tous les intervenants étaient des hommes ». Entre le sexisme et la sous-représentation des femmes, elle a décidé de leur dédier son programme de mentorat. La formation est non-mixte, il n’y a que des participantes et des intervenantes. « Juste jouer entre femmes ça fait du bien, ça permet de se retrouver dans un cocon, un contexte que je ne connais absolument pas », explique Lou Rivaille, chanteuse et stagiaire. La formation développe trois aspects : la rencontre entre musiciennes, la pratique commune de leurs musiques et surtout la rencontre d'expertes leur donnant les clefs pour intégrer le marché du jazz plus facilement. « Je porte des projets, il faut en faire parler et parfois, on se sent un peu seule ou démunie. Je m’occupe de la diffusion alors que je n’ai pas spécialement de talent pour le faire. Je viens aussi chercher ces clés », explique Lucie Jahier, la flûtiste coutançaise.
Participer à ce programme, c'était une évidence pour le festival Jazz sous les pommiers de Coutances. « Pour corriger le tir, il faut plus d’enseignantes dans les écoles de musique. Il faut que les jeunes filles s’autorisent à faire autre chose que de la flûte ou du chant. Tout ça va prendre un petit peu de temps à changer, mais je vois le début de la vague du changement », explique Denis Lebas, directeur du festival depuis 1986. L’appel à candidature de ce premier camp musical féminin a suscité l’engouement : 50 demandes pour seulement dix places. La preuve d’un vrai besoin pour l’équipe de Jazz sous les pommiers. Et ça tombe bien puisqu’ils ont d’ores et déjà annoncé qu'il y aurait une deuxième édition de Women In Jazz d’ici l’année prochaine.
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