Depuis l'été les compagnons de 4 communautés Emmaüs du Nord sont en grève. A Saint-André-Lez-Lille, Grande-Synthe, Nieppe et Tourcoing ils dénoncent des conditions de travail inhumaines, du racisme et demandent leur régularisation. Presque 100 jours après le début du mouvement, le conflit s'enlise.
A Saint-André-Lez-Lille, en métropole lilloise, les grévistes tiennent toujours leur piquet de grève devant la Halte Saint-Jean. Ils demandent toujours leur régularisation en attendant que l'enquête ouverte pour travail dissimulé et traite d'êtres humains avance. C'est cette enquête, révélée par le média en ligne Street Press, qui est le point de départ de leur mobilisation le 4 juillet 2023. "On ira jusqu'au bout" assure Ibrahima, porte parole des compagnons grévistes. "On a travaillé 40h par semaine pendant des années. Ils nous doivent bien cela" ajoute-t-il avec amertume. A 28 ans cela fait 5 ans qu'il est entré dans la communauté Emmaüs de Saint-André.
Depuis le début du mouvement, les grévistes sont soutenus par la CGT et le Collectif Sans Papiers 59. Qui défend les travailleurs en situation illégale dans le Nord. "Jamais je n'avais vu de situation aussi scandaleuse. On parle d'esclavagisme mais c'est ce qu'il se passe ici" se désole le président du CSP 59 Saïd Bouamama. Pour la direction de la Halte Saint-Jean les compagnons sont manipulés et ne cherchent qu'à être régularisés. Le président de l'association a renouvelé plusieurs fois son soutien à la directrice mise en cause par les grévistes. A rebours d'Emmaüs France qui demande sa mise en retrait.
A Grande-Synthe l'affaire a pris un tour judiciaire ces derniers jours. Le dépôt de l'association est bloqué par les grévistes depuis le 22 août 2023. Ici aussi les grévistes demandent une amélioration de leurs conditions de travail et dénoncent des propos racistes à leur encontre. La direction a demandé l'expulsion des grévistes. Le tribunal doit rendre sa décision le 5 octobre.
Le 12 septembre c'était au tour des compagnons d'Emmaüs Tourcoing de rejoindre la grève. Ici le dialogue entre direction et grévistes reste possible. Une réunion de médiation a eu lieu mais n'a abouti sur rien pour l'instant. On ne veut pas plus d'argent. "On veut des papiers. On a fait des stages, des formations pour nous intégrer" se désole Achraf, un immigré marocain arrivé à Tourcoing en 2021. Le 30 septembre, 7 compagnons de la communauté de Nieppe ont aussi rejoint le mouvement.
Ces demandes de régularisation sont légitimes pour les compagnons au sein d'un OACAS. Un organisme d'accueil communautaire et d'activité solidaires. Mais la décision finale reste aux mains du préfet du Nord. "Les communautés déposent un dossier en préfecture, censé appuyer la demande. Mais le statut particulier des compagnons crée des difficultés" explique Caroline Fortunato, avocate en droit des étrangers au barreau de Lille. A Tourcoing les dirigeants d'Emmaüs rejettent le problème des régularisations sur le préfet du Nord. Elles se seraient raréfiées depuis son arrivée en 2021.
Si les communautés de Tourcoing et Grande-Synthe sont des OACAS, ce n'est pas le cas de celle de Saint-André. Où la direction est accusée d'avoir entretenu le flou pour s'assurer du travail des compagnons pendant des années. "Les dossiers étaient baclés, avec des trous. Par exemple sans le nombre d'heures travaillées. Elle étaient vouées à l'échec" accuse Saïd Bouamama. Le seul espoir pour les compagnons est du côté de la justice. Si les faits de traite d'êtres humains sont avérés, ils pourraient recevoir un titre de séjour temporaire.
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