Dans un monde marqué par la violence, la fraternité est-elle devenue un défi ?

Être frère à l’échelle individuelle

 

La fraternité, en plus de faire partie de la devise républicaine française, est un principe constitutionnel. S'y ajoutent la solidarité, l’entraide et l’amitié. La fraternité implique tolérance et respect mutuel. Mario Giro est responsable des relations extérieures de la communauté Sant’Egidio, qui réunit des fidèles catholiques engagés dans la lutte contre la pauvreté et le travail pour la paix. Fondée à Rome en 1968, elle rassemble aujourd’hui plus de 60.000 laïcs dans 74 pays. Les trois piliers de cette communauté sont la prière, les pauvres et la paix. "Ce sont nos frères", souligne l’intervenant. Hier soir, dimanche 23 octobre 2022, s’est ouverte à Rome la 36e Rencontre sur la paix. 

 

C’est un travail de longue haleine qu’il faut mener pour inviter la fraternité dans nos foyers et dans nos rues. Béatrice Oiry, professeure d’exégèse à l’Institut catholique de Paris (ICP), met l’accent sur le langage "que l’on doit soigner dans la société", puisqu’il est le miroir de nos relations et du respect que l’on se porte. Mario Giro explique que "chacun a ses raisons : quand tu parles avec quelqu’un, tu dois savoir que le monde ne commence pas et ne se termine pas avec toi". La fraternité a pour base l’égalité, que ce soit entre voisins, entre collègues, ou entre peuples, mais aussi et surtout le caractère purement social qui caractérise l’homme. 

 

Un leitmotiv dans la Bible

 

De Caïn à Abel, en passant par Jacob et Joseph, la fraternité traverse les évangiles. Elle prend, en fonction des Testaments et des épisodes, des visages différents. La Bible invite à penser le groupe comme une grande famille. Béatrice Oiry rappelle à cet égard que "les Hébreux sont tous descendants de Jacob, donc théoriquement frères". Le texte biblique interroge sans cesse le lien fraternel, avec la question de la jalousie. La résurrection de Jésus permet un "incroyable élargissement de la fraternité dans le Bible". "Celui qui aime son frère demeure dans la lumière", dit Jean. Avec Paul, Joseph, ou Jésus, il est l’un des principaux ambassadeurs de la fraternité. La place du pardon est elle aussi cruciale, puisqu’elle ramène chacun à des souffrances intimes. "Le lien fraternel est très fort mais n’est pas sans douleur", rappelle Béatrice Oiry. La parabole de la paille et de la poutre a aussi permis à l’intervenante d’illustrer ses propos. 

 

Et face au diable, à "celui qui sépare", Mario Giro rappelle que l’homme doit faire un effort continu pour se retrouver. En somme, être fraternel, c’est être humain. Il s’agit de remettre au centre l’humanité, comme l’explique le pape François dans son encyclique Fratelli Tutti. Il y donne une vision du monde global de demain et souligne le lien entre la pauvreté et la terre.

 

La fraternité, à l’échelle universelle

 

“Le cri de la paix” est le thème de la rencontre lancée hier soir à Rome. Parmi les invités, des hommes et femmes d’État, des leaders religieux et des représentants de la culture. Emmanuel Macron a prononcé un discours dans lequel il questionne notre rapport à la fraternité en temps de guerre. C’est depuis les années 1980 que la communauté Sant’Egidio mène des actions diplomatiques en faveur de la paix. Mario Giro rappelle les multiples "guerres oubliées" qui persistent depuis 30 ans à travers la planète. Sant'Egidio œuvre d’ailleurs en Russie et en Ukraine, pour "essayer de ne pas tomber dans la haine, et mettre les frères ennemis à la même table". Différents cercles, de la famille nucléaire à la communauté chrétienne, puis de la cité au peuple, doivent héberger une fraternité croissante et universelle. Cela semble être la solution pour la paix, un outil fédérateur.