En ce 30 novembre 2021, Joséphine Baker entre symboliquement au Panthéon. Elle est la première femme noire à rejoindre le temple républicain. Grande reine du music-hall, chanteuse, actrice, danseuse, mais aussi résistante pendant la guerre et militante active contre le racisme. La France honore une femme qui avait "un véritable idéal de fraternité universelle".
Aux grandes femmes la patrie reconnaissante… Après Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Simone Veil, Marie Curie, Germaine Tillion, Sophie Berthelot, c’est au tour de Joséphine Baker (1906-1975) d’entrer au Panthéon ce mardi 30 novembre.
Le corps de Joséphine Baker restera inhumé à Monaco. C'est un cénotaphe que l'on installe au Panthéon. Il contient des poignées de terre des lieux où elle a vécu : la ville de Saint-Louis, aux États-Unis, où elle est née, Paris, et le jardin des Milandes. Il sera placé à côté de la sépulture de Maurice Genevoix. Le seul discours de la cérémonie sera prononcé par Emmanuel Macron, pour saluer une femme "engagée dans la Résistance, inlassable militante antiraciste" qui "fut de tous les combats qui rassemblent les citoyens de bonne volonté, en France comme de par le monde".
Quand elle enquêtait sur la représentation des Noirs dans le théâtre français, on lui parlait systématiquement de Joséphine Baker. Ce qui est finalement étonnant, convient Sylvie Chalaye, car Joséphine Baker n’était pas actrice de théâtre mais chanteuse de music-hall et n’était pas d’origine française. Pour l’historienne du théâtre et anthropologue, spécialiste des représentations de l'Afrique et du monde noir dans les arts du spectacle, auteure de "Race et théâtre - Un impensé politique" (éd. Actes sud, 2020), "ça montrait finalement combien elle était devenue un emblème une figure forte pour la société française".
Née extrêmement pauvre au début du XXe siècle, dans l’Amérique de la ségrégation, Joséphine Baker a subjugué le tout-Paris des années 20 avec ses danses et ses grimaces. Longtemps, on l’a réduite à sa ceinture de bananes mais c’est oublier qu’elle fut une grande résistante, que l’on retrouvera des années plus tard en uniforme de la France libre, aux côtés de Martin Luther King. La romancière et comédienne, Elsa Solal, auteure de "Joséphine Baker - Non aux stéréotypes" (éd. Actes Sud), décrit "un parcours inouï". En 1963, l'artiste a participé aux côtés du leader pacifiste à la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté - ce moment historique où Martin Luther King a prononcé son discours resté célèbre « I have a dream".
Sa "tribu arc-en-ciel", ainsi qu’elle l’appelait, était pour Joséphine Baker "une façon de prolonger son combat", selon Elsa Solal. L’artiste a adopté 12 enfants de nationalités, couleurs et religions différentes. Or, comme le rappelle l’historien spécialiste de l'histoire de l'adoption internationale, Yves Denéchère, "le développement de l’adoption internationale s’est fait au lendemain de la Seconde Guerre mondiale mais très doucement". Ainsi donc, la démarche de Joséphine Baker a été à l’époque une rupture dans l’histoire de l’adoption.
Certes, pour adopter 12 enfants comme elle l’a fait, il a fallu toute la notoriété de Joséphine Baker, "ses moyens et son réseau d’adresse" mais aussi "un véritable idéal de fraternité universelle". Ce qu'Yves Denéchère décrit dans son article "Joséphine Baker et sa « tribu arc-en-ciel », au nom de la fraternité universelle". Cette expérience unique "va populariser en France dans les années 50 l’adoption internationale, avec aussi un certain nombre de limites", toutefois...
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