Georges Floyd, Adama Traoré. Peut-on dresser un parallèle entre ce qui se passe aux Etats-Unis et ce qui se passe en France. "La réalité n'est ni blanche, ni noire, elle est un peu grise. C'est la ligne que je tiens en tant que chercheur. On ne peut pas faire de parallèle car la France n'est pas un état fondé historiquement sur un apartheid. Ce sont des choses tellement enracinées aux USA que cinquante ans plus tard, cela continue de produire des effets. Néanmoins, il y a des points communs: deux sociétés d'immigration, une qui le sait (les Etats-Unis) et une qui fait semblant de ne pas le savoir (la France)" explique Laurent Mucchielli, sociologue, spécialiste de la délinquance et des politiques de sécurité, auteur de "La France telle qu'elle est" (éd. Fayard).
"Notre société produit du racisme. Il faut tenir compte de cette dimension globale. Ce qui se passe dans la police n'est pas isolé, c'est quelque chose qui se passe à l'échelle de la société. [...] En France, il y a des minorités qui sont racistes au sens du racisme biologique. Ces personnes sont impossibles à chiffrer. Il y a ensuite un espèce de nouveau racisme anti-musulman. Il y a enfin un espèce de racisme social sur les quartiers populaires, les banlieues" analyse encore le sociologue.
Impossible cependant de dire si la police est un lieu où le racisme se développe davantage. "Dans les polices, il y a un esprit de corps très fort. Du coup, c'est très difficile quand les gens ne sont pas d'accord entre eux, de le dire. Cela pèse fort. Faire des leçons de morale et de déontologie ne sert à rien" lance Laurent Mucchielli.
Sur la violence policière, Laurent Mucchielli estime qu'il ne faut pas comparer la France avec les Etats-Unis. "Il y a des pays où parler de police de proximité n'est pas un gros mot. Depuis 2002, il y a un durcissement des pratiques policières. C'est indéniable. Depuis cette époque, il y a un durcissement. On a vu avec les Gilets jaunes que ce durcissement touche le maintien de l'ordre dans la police. Le niveau de violence a augmenté. C'est dramatique car c'est un retour en arrière, historiquement. Quelle que soit leur opinion individuelle, les policiers sont soumis à une hiérarchie. Ils doivent obéir" précise-t-il.
"Il y a deux choses fondamentales. Il faut permettre aux hommes et aux femmes dans la police qui ne sont pas racistes doivent pouvoir s'exprimer sans passer pour des traîtres. Il faut libérer la parole. Ensuite, il faut rétablir la police de proximité, comme dans les autres pays. L'interconnaissance et le dialogue fabriquent le respect. C'est le meilleur moyen pour casser la violence" conclut-il.
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