De nouvelles études scientifiques confirment l’impact dramatique de l’agriculture intensive sur la disparition des oiseaux des champs. Une véritable bombe à retardement pour nos sociétés…
Avez-vous remarqué comme le merle moqueur fait de moins en moins le malin ? Je ne parle même pas du gai rossignol, bien discret… En fait, si le printemps n’est pas encore silencieux (Dieu merci !), il est de plus en plus étouffé. Les oiseaux se font remarquer par leur absence, en ville mais aussi à la campagne. Songez aux premières heures du jour, à cette entrée en scène progressive du merle, de la mésange ou du pinson qui nous met, dès le réveil, en harmonie avec le rythme naturel de la vie… Est-ce que demain, cette symphonie si apaisante ne sera qu’un agréable mais lointain souvenir ;? Depuis des années, les cris des oiseaux se font murmure. Leur population baisse, sans que nous mesurions toujours à quel point cet effacement est un drame, une véritable catastrophe qui devrait nous mobiliser de toute urgence.
Oui, mais quand vous parlez de "biodiversité", bien souvent les gens bâillent. Et quand vous dites "effondrement des espèces", on vous accuse de catastrophisme. Pourtant, année après année, les études confirment ce constat accablant : partout, le vivant souffre et s’éteint. Depuis 40 ans, un quart des oiseaux ont disparu. Pas seulement en ville, où les pigeons et les corbeaux prolifèrent, mais où on a perdu l’habitude de voir des groupes de moineaux ou d’hirondelles…
Non, la plus tragique disparition, c’est celle des oiseaux des champs, qui ont, eux, carrément perdu 60% de leur population en Europe. C’est 20 millions chaque année ; 800 millions en moins depuis 1980 ! Le phénomène a évidemment des causes multiples – on cite souvent l’urbanisation, les éoliennes ou le changement climatique –, mais parmi toutes les raisons de ce déclin effrayant, il y en a une qui dépasse toutes les autres, de loin, c’est l’agriculture intensive, qui pousse aux monocultures, aux grandes étendues faisant disparaître les haies et les bosquets, ou encore à l’usage massif de pesticides et d’engrais de synthèse.
Attention : quand on pointe la responsabilité de l’agriculture intensive, ça ne signifie pas que les agriculteurs sont coupables de décimer les oiseaux ! En réalité, ces effets néfastes sont dus à un modèle global, dont les agriculteurs (ceux qu’on appelait autrefois les paysans) sont bien souvent eux-mêmes les victimes. Un modèle de société en forme de bombe à retardement, qui nous implique tous.
Pourquoi cela ? Parce que le déclin des oiseaux, c’est à la fois la conséquence et la cause d’un terrible effondrement du vivant. Non seulement leurs lieux de vie sont rasés, mais on constate aussi un déclin important des insectes et des invertébrés… dont les oiseaux se nourrissent. Et si la disparition des espèces se poursuit à cette vitesse, c’est bien la vie humaine qui sera menacée à son tour. En d’autres termes, pour reprendre la fameuse formule popularisée par le pape : "Tout est lié"…
Notre mode de vie, notre façon collective d’habiter la terre, n’est bonne ni pour la nature, ni pour nous. C’est ce qu’on appelle un problème systémique. Vous connaissez la fameuse fresque de Giotto, "Le Sermon aux oiseaux", avec François d’Assise évangélisant des créatures à plumes ? Il y a quelque chose de troublant sur cette image… À bien y regarder, les oiseaux s’effacent, le temps les a estompés, ils disparaissent peu à peu. Comme aujourd’hui dans nos campagnes. Peut-être est-il temps de renverser la perspective, et de nous laisser interpeller par leur chant étouffé, comme un appel : une supplication des oiseaux aux humains. Nous avons besoin d’une telle conversion !
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