C'est un petit anniversaire, à défaut d’être joyeux. Un an. Un an tout juste, un an tout rond qu’Élisabeth Borne est entrée à Matignon. C’était le 16 mai 2022, et la première ministre célèbre l’évènement, hier et aujourd’hui, en recevant les représentants des principaux syndicats du pays pour parler de retraites, de salaires et de travail. Je ne suis pas sûr que l’ambiance soit à la fête, avec flonflons et cotillons, d’autant que le mandat d’Élisabeth Borne n'est pas assuré.
Qu'est-ce qui me fait dire ça ? L’actualité des jours à venir. La prochaine mobilisation des syndicats, le 6 juin, est là pour nous rappeler que la retraite à 64 ans ne passe toujours pas. Deux jours plus tard – le jeudi 8 juin – les députés examineront une proposition de loi visant à abroger la réforme adoptée en mars. La probabilité que l’Assemblée vote cette abrogation est très, très forte, ce qui ne manquerait pas de déstabiliser la première ministre et son gouvernement. En même temps - comme on dit en Macronie - il n’y a quasiment aucune chance que les sénateurs votent de même. Il n’y aura donc pas de retrait de la réforme, mais un vote contre des députés déclenchera assurément un nouveau séisme politique et médiatique, susceptible de bousculer le pouvoir.
Elle pourrait, mais ce n’est pas certain. À quoi servirait de débarquer Élisabeth Borne ? C’est surtout au président de la République que les Français en veulent en ce moment, et ce n’est pas en changeant de premier ministre qu’Emmanuel Macron réglera ce problème-là. Il a surtout besoin de retrouver une majorité solide à l’Assemblée pour terminer son quinquennat. Provoquer une dissolution et rappeler les citoyens aux urnes est exclu : ce serait prendre le risque d'une nouvelle déculotté électorale pour Renaissance et de tout perdre. L’idéal, pour le président, serait de donner le poste à un homme ou une femme politique capable de convaincre une quarantaine de députés déjà en poste de changer le camp pour rejoindre la majorité présidentielle.
Pourquoi Emmanuel Macron ne le fait pas, si c’est si simple ? Pour une raison tout aussi simple : cet homme, ou cette femme politique, n’existe pas. Si quelqu’un était capable de produire un tel effet, il serait déjà à Matignon depuis belle lurette. En l’absence de premier ministre "magique", autant garder Élisabeth Borne, qui "fait le job”, comme on dit.
Elle devrait rester au moins jusqu’à la fin des 100 jours d’apaisement décrétés par Emmanuel Macron, c’est-à-dire jusqu’au 14 juillet, même en cas de psychodrame autour du 8 juin. Sa place pourrait être remise en question à nouveau à l’automne, après les élections sénatoriales, au cas où une entente serait trouvée avec Les Républicains. En l’absence d’entente, ou de nouvel homme providentiel, il est possible qu’elle reste. Et même qu’elle batte des records.
Le record, c'est 6 ans, 2 mois et 26 jours, et c’est le grand Georges Pompidou qui le détient. Il a été quatre fois chef de gouvernement avant de devenir Président. Élisabeth Borne n’ira pas jusque-là, mais elle peut encore rêver de dépasser le cap des 4 ans, comme François Fillon, Lionnel Jospin, ou Raymond Barre. Pour le moment, c’est loin, mais bon. Avec sa petite année dans l'enfer de Matignon, Élisabeth Borne se situe déjà à la 21e place – sur 25 – dans la hiérarchie des premiers ministres restés le plus longtemps en poste. Devant Pierre Bérégovoy, Maurice Couve de Murville, Édith Cresson et Bernard Cazeneuve.
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